Patrick
Bèle
[24 novembre 2004]
Mohamed Ali Elhouej, ministre des Finances libyen,
semblait satisfait lundi, à l'issue de sa rencontre à
Bercy avec François Loos, ministre délégué
du Commerce extérieur. Le contentieux entre les deux pays
concernant les arriérés dus par la Libye à
la Coface est définitivement levé. Une moitié
des 44,4 millions d'euros a déjà été
réglée. L'autre le sera avant la fin de l'année.
«Cet accord est important car il rouvre la possibilité
d'assurance-crédit de moyen terme aux entreprises françaises
qui veulent travailler en Libye», a précisé
François Loos. L'accès au marché libyen pour
les entreprises hexagonales s'en trouvera facilité, à
un moment où la Libye accélère son processus
d'ouverture économique.
Depuis que le premier ministre, Choukri Ghanem,
a été nommé en juin 2003, les réformes
se multiplient, rompant parfois avec certains des principaux préceptes
de base de la «révolution verte» : le rejet
du salariat et la négociation de la propriété
privée immobilière («la maison appartient
à celui qui l'occupe»). Quelque 360 sociétés
seront privatisées d'ici à 2008. Le ministre des
Finances a annoncé lundi une accélération
du processus pour les deux compagnies aériennes, Libyan
Arab Airlines et Afriqiya. Le prochain Congrès général
du peuple, en mars prochain, devrait décider la fin des
subventions aux denrées de base et aux produits pétroliers.
Le salaire minimum doublera pour permettre de faire face aux augmentations
qui en découleront.
Mais des années d'isolement international,
aggravées par plus d'une décennie d'embargo, ont
laissé le pays dans une situation préoccupante :
le déficit en infrastructures est patent, les entrepreneurs
nationaux manquent d'expériences, et le secteur public
a investi tous les domaines d'activités.
Les responsables libyens font les yeux doux aux
entreprises occidentales pour les appeler à venir investir
chez eux. Lundi, c'était au tour du ministre des Finances
de venir vanter les mérites de son pays devant un parterre
de chefs d'entreprise réuni à l'initiative du Medef.
«L'économie libyenne est une économie prometteuse,
a-t-il expliqué, car c'est l'Etat le moins endetté
de la région et le pays est stable.»
De nombreuses entreprises françaises sont
déjà présentes : Total, bien sûr, dans
l'exploitation pétrolière. Elle espère renforcer
son activité et participe à l'appel d'offres sur
quinze blocs d'exploration pétrolière lancé
en septembre. Vinci de son côté participe au gigantesque
projet de grande rivière qui transporte sur des milliers
de kilomètres l'eau des aquifères du Sud désertique
vers les villes du Nord. Dans les télécommunications,
«Alcatel est présent en Libye de puis vingt-cinq
ans, explique Ozgur Remzi, vice-président d'Alcatel responsable
Afrique nord centrale et ouest. C'est un marché comme un
autre avec des processus peut-être un peu plus longs qu'ailleurs».
Deux contrats d'importance ont été signés
avec la Libye. La fourniture du satellite Rascom de télécommunications
destiné à l'Afrique. Tripoli a investi 150 millions
de dollars, soit 65% du coût total. En octobre dernier,
la fourniture d'infrastructures UMTS pour 150 000 abonnés
a été emportée par Alcatel pour un budget
total de 100 millions de dollars.
Le premier ministre, Choukri Ghanem, a montré
son intérêt pour Airbus en visitant les usines de
Toulouse lors de son dernier passage en France. La Libyan Arab
Airlines a annoncé sa volonté d'acheter 22 avions
pour un total de un milliard de dollars.
Mais le pays conserve des pesanteurs : le système
bancaire ne dépasse pas son rôle simple de coffre-fort
(pas de chèques ni de cartes bancaires, très peu
de crédits aux entreprises), la population est très
mal formée et ne parle que très rarement une autre
langue que l'arabe, et le système administratif reste largement
inefficace, transformant toute démarche officielle en parcours
du combattant. |