LE MONDE |
24.11.04 | 14h07
Depuis 1951, l'année de l'indépendance
de la Libye, une ancienne colonie italienne, aucun chef d'Etat
français n'avait effectué de visite officielle dans
ce pays. Jacques Chirac s'y était bien rendu en mars 1976
mais c'était en tant que premier ministre.
Et si une brève rencontre a bien eu lieu
entre François Mitterrand et le colonel Kadhafi en 1984,
ce fût en terrain neutre, en Crète.
Des liens aussi distendus témoignent moins
d'un désintérêt que de relations longtemps
conflictuelles entre Paris et Tripoli. Dans les années
1980, le Tchad était la pomme de discorde. La France soutenait
le régime en place à N'Djamena tandis que les forces
libyennes se tenaient aux côtés des rebelles dans
le nord du Tchad.
La brouille ne fut pas que diplomatique. En février
1986, Paris lançait un raid contre la principale base libyenne
dans le nord du Tchad et mettait en place le dispositif "Epervier"
pour parer à la menace libyenne. Le blocus maritime contre
les navires français décrété par Tripoli
en 1989 s'inscrivait dans ce contexte de crise.
Le contentieux allait s'alourdir après
l'attentat contre un DC-10 de la compagnie UTA en 1989 (170 morts
au-dessus du désert du Ténéré, dont
54 Français). Après deux années d'enquête,
la justice française incriminait officiellement la Libye
et lançait quatre mandats internationaux contre des hauts
responsables.
L'Elysée suivait : le 15 novembre 1991,
le président Mitterrand impliquait publiquement la Libye
du président Kadhafi dans l'attentat. L'année suivante
(avril 1992), Paris passait aux actes en expulsant six diplomates
libyens.
Il faudra attendre 1996 pour que les relations
diplomatiques commencent à se réchauffer. Le déblocage
aura lieu en juillet, lorsque la Libye annonce qu'elle entend
coopérer avec la justice française. Le juge Bruguière,
chargé de l'enquête sur le DC-10, fera d'ailleurs
le déplacement à Tripoli. D'autres gestes de bonne
volonté suivent, assortis de déclarations sur le
souhait des Libyens d'entretenir des "relations privilégiées"
avec la France.
Dès lors, le climat ne va cesser de s'améliorer,
jusqu'à l'abandon (en mars 2001) des poursuites engagées
contre le colonel Kadhafi (alors que six membres présumés
des services secrets libyens sont condamnés à Paris
à la réclusion perpétuelle).
Dès lors, les visites ministérielles
à Tripoli reprennent. Le ministre de la coopération,
Charles Josselin, est le premier à ouvrir la voie, en 2001.
L'année suivante, ce sera le tour du chef de la diplomatie,
Dominique de Villepin. Son successeur, Michel Barnier, lui emboîtera
le pas (octobre 2004). Entre-temps, un accord d'indemnisation
entre la Libye et les familles des victimes a été
signé (janvier 2004). Le dernier obstacle à une
normalisation des relations entre les deux pays est levé.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 25.11.04 |