Par
Gérard Bon
TRIPOLI (Reuters) - Jacques Chirac a entamé
mercredi une visite de vingt-quatre heures en Libye afin de tourner
la page de l'embargo et accompagner les efforts de Tripoli qui
entend retrouver toute sa place sur la scène internationale.
Depuis la levée des sanctions internationales
il y a quinze mois et celle, récente, de l'embargo européen,
la Libye est à nouveau très courtisée pour
sa manne pétrolière, notamment par les Etats-Unis
et l'Union européenne.
Jacques Chirac, arrivé à Tripoli
à 15h00 GMT, en repartira jeudi à la mi-journée
pour se rendre au Xe sommet de la Francophonie à Ouagadougou,
au Burkina Faso.
Il devait avoir en fin de journée un premier
entretien avec le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi à la
caserne Bab Aziza.
Il doit ensuite rencontrer la communauté
française de Tripoli à la résidence de France.
Le but de sa visite à Tripoli, la première
d'un chef d'Etat français depuis l'indépendance
libyenne en 1951, est de renouer avec "un grand pays maghrébin,
méditerranéen et africain", après des
années de tensions.
Pour saluer l'arrivée du chef de l'Etat
français, les dirigeants libyens ont installé sur
des murs de la vieille ville fortifiée - et baignée
d'un soleil presque estival - d'immenses affiches reproduisant
des tableaux et gravures de la Révolution française.
"La prise de la Bastille par la Révolution
française" ou "La liberté en premier"
proclament deux d'entre elles, en français et en arabe.
Une autre, intitulée "2004, la rencontre des pionniers",
établit un parallèle entre les révolutions
libyenne et française.
Mouammar Kadhafi semble vouloir signifier que
l'ex-"Etat paria", qui a renoncé au terrorisme
et à tout programme d'armes de destruction massive, n'entend
pourtant pas oublier ses principes.
Dans une interview au Figaro de mercredi, il
critique la façon dont le problème du terrorisme
est traité par les pays occidentaux et estime que la France
a commis une "erreur" en intervenant militairement en
Côte d'Ivoire. "Je n'ai pas encore compris la raison
de la présence militaire de la France en Afrique",
dit-il.
UNE QUINZAINE DE DIRIGEANTS D'ENTREPRISE AVEC
CHIRAC
Le gouvernement français, par la voix
de son porte-parole, a rappelé le "bien-fondé"
de l'intervention française en Côte d'Ivoire.
"La Libye n'a marqué aucune réserve
dans l'adoption des différentes résolutions de l'Union
africaine et du Conseil de sécurité des Nations
unies concernant la Côte d'Ivoire", a dit Jean-François
Copé lors du compte rendu du conseil des ministres.
"Ces décisions fondent le mandat
de la mission Licorne et confirment le bien-fondé des réactions
françaises après les événements récents",
a-t-il ajouté.
En dépit de ces nuages, les deux dirigeants
français et libyen vont insister sur leur volonté
de coopérer plus étroitement, tant sur le plan diplomatique
- Paris estime que Tripoli a un rôle important à
jouer dans la région - qu'économique.
Le dégel des relations franco-libyennes
s'était nettement amorcé en janvier dernier après
la conclusion d'un accord d'indemnisation des familles des 170
victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989.
Depuis, la France considère que Tripoli
a rempli tous ses engagements. "La Libye a tourné
un certain nombre de pages par des gestes forts et concrets. C'est
le jugement des Européens et des Américains",
a déclaré Jérôme Bonnafont, porte-parole
de l'Elysée.
Jacques Chirac a été précédé
à Tripoli par le Premier ministre britannique Tony Blair,
le président du Conseil italien Silvio Berlusconi et, dernièrement,
le chancelier allemand Gerhard Schröder, après l'accord
d'indemnisation des victimes de l'attentat de 1986 contre une
discothèque de Berlin.
Les Etats-Unis ont renoué pour leur part
avec la Libye en juin après une rupture d'un quart de siècle.
Jacques Chirac est accompagné d'une quinzaine
de dirigeants d'entreprises françaises, dont celui de Total,
Thierry Desmaret, qui pourrait concrétiser un accord de
partenariat lors de cette visite.
Partenaire modeste de la France, le pays a besoin
de gros investissements pour ses infrastructures et Paris souhaite
naturellement développer la présence de ses entreprises
dans les secteurs stratégiques de l'énergie, des
infrastructures, des télécommunications et des transports,
sans oublier le tourisme et la formation professionnelle.
Pays pétrolier potentiellement riche,
avec 30 milliards de barils de réserves prouvées,
selon des sources françaises, la Libye entend doubler sa
production en 2010, ce qui suppose des investissements d'environ
30 milliards de dollars.
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