victimes attentat

(mercredi 24 novembre 2004, 16h07)

Jacques Chirac en Libye pour "tourner la page"

Par Gérard Bon

TRIPOLI (Reuters) - Jacques Chirac a entamé mercredi une visite de vingt-quatre heures en Libye afin de tourner la page de l'embargo et accompagner les efforts de Tripoli qui entend retrouver toute sa place sur la scène internationale.

Depuis la levée des sanctions internationales il y a quinze mois et celle, récente, de l'embargo européen, la Libye est à nouveau très courtisée pour sa manne pétrolière, notamment par les Etats-Unis et l'Union européenne.

Jacques Chirac, arrivé à Tripoli à 15h00 GMT, en repartira jeudi à la mi-journée pour se rendre au Xe sommet de la Francophonie à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Il devait avoir en fin de journée un premier entretien avec le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi à la caserne Bab Aziza.

Il doit ensuite rencontrer la communauté française de Tripoli à la résidence de France.

Le but de sa visite à Tripoli, la première d'un chef d'Etat français depuis l'indépendance libyenne en 1951, est de renouer avec "un grand pays maghrébin, méditerranéen et africain", après des années de tensions.

Pour saluer l'arrivée du chef de l'Etat français, les dirigeants libyens ont installé sur des murs de la vieille ville fortifiée - et baignée d'un soleil presque estival - d'immenses affiches reproduisant des tableaux et gravures de la Révolution française.

"La prise de la Bastille par la Révolution française" ou "La liberté en premier" proclament deux d'entre elles, en français et en arabe. Une autre, intitulée "2004, la rencontre des pionniers", établit un parallèle entre les révolutions libyenne et française.

Mouammar Kadhafi semble vouloir signifier que l'ex-"Etat paria", qui a renoncé au terrorisme et à tout programme d'armes de destruction massive, n'entend pourtant pas oublier ses principes.

Dans une interview au Figaro de mercredi, il critique la façon dont le problème du terrorisme est traité par les pays occidentaux et estime que la France a commis une "erreur" en intervenant militairement en Côte d'Ivoire. "Je n'ai pas encore compris la raison de la présence militaire de la France en Afrique", dit-il.

UNE QUINZAINE DE DIRIGEANTS D'ENTREPRISE AVEC CHIRAC

Le gouvernement français, par la voix de son porte-parole, a rappelé le "bien-fondé" de l'intervention française en Côte d'Ivoire.

"La Libye n'a marqué aucune réserve dans l'adoption des différentes résolutions de l'Union africaine et du Conseil de sécurité des Nations unies concernant la Côte d'Ivoire", a dit Jean-François Copé lors du compte rendu du conseil des ministres.

"Ces décisions fondent le mandat de la mission Licorne et confirment le bien-fondé des réactions françaises après les événements récents", a-t-il ajouté.

En dépit de ces nuages, les deux dirigeants français et libyen vont insister sur leur volonté de coopérer plus étroitement, tant sur le plan diplomatique - Paris estime que Tripoli a un rôle important à jouer dans la région - qu'économique.

Le dégel des relations franco-libyennes s'était nettement amorcé en janvier dernier après la conclusion d'un accord d'indemnisation des familles des 170 victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989.

Depuis, la France considère que Tripoli a rempli tous ses engagements. "La Libye a tourné un certain nombre de pages par des gestes forts et concrets. C'est le jugement des Européens et des Américains", a déclaré Jérôme Bonnafont, porte-parole de l'Elysée.

Jacques Chirac a été précédé à Tripoli par le Premier ministre britannique Tony Blair, le président du Conseil italien Silvio Berlusconi et, dernièrement, le chancelier allemand Gerhard Schröder, après l'accord d'indemnisation des victimes de l'attentat de 1986 contre une discothèque de Berlin.

Les Etats-Unis ont renoué pour leur part avec la Libye en juin après une rupture d'un quart de siècle.

Jacques Chirac est accompagné d'une quinzaine de dirigeants d'entreprises françaises, dont celui de Total, Thierry Desmaret, qui pourrait concrétiser un accord de partenariat lors de cette visite.

Partenaire modeste de la France, le pays a besoin de gros investissements pour ses infrastructures et Paris souhaite naturellement développer la présence de ses entreprises dans les secteurs stratégiques de l'énergie, des infrastructures, des télécommunications et des transports, sans oublier le tourisme et la formation professionnelle.

Pays pétrolier potentiellement riche, avec 30 milliards de barils de réserves prouvées, selon des sources françaises, la Libye entend doubler sa production en 2010, ce qui suppose des investissements d'environ 30 milliards de dollars.

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