par Christine Ollivier
TRIPOLI (AP) - Après près de dix ans d'embargo,
la Libye est un »marché prometteur». C'est
fort de ce constat que Jacques Chirac a appelé jeudi
les entreprises françaises à investir dans ce
pays, alors qu'il achevait sa première visite officielle
à Tripoli.
Le président français s'est ensuite envolé
pour Ouagadougou (Burkina Faso), où il devait participer
au 10e sommet de la francophonie, vendredi et samedi.
»La France attache beaucoup de prix, maintenant que son
développement est rendu possible par les choix faits
par la Libye, à sa coopération politique, culturelle
et économique» avec Tripoli, a souligné
Jacques Chirac lors d'une conférence de presse à
l'hôtel Corinthia de la capitale libyenne. «Plus
rien maintenant n'empêche ce développement»,
s'est-il félicité.
En renonçant aux armes de destruction massive et en
indemnisant les victimes du terrorisme, notamment celles de
l'attentat contre le DC10 d'UTA, Tripoli «a fait les gestes
nécessaires pour tourner la page d'un passé qui
a laissé des souvenirs douloureux», a souligné
le président français. La Libye «a fait
le choix de la main tendue» et «toutes les conditions
sont désormais réunies pour ouvrir un nouveau
chapitre» des relations franco-libyennes.
Sur le plan politique, «la Libye a une vocation naturelle
à être un élément de paix et de stabilité
pour la région», a-t-il assuré.
Cinq accords ont été signés jeudi entre
Français et Libyens, dont deux arrangements administratifs
concernant Thalès et EADS, et un protocole d'association
du groupe français Vinci avec une entreprise libyenne
dans le cadre de la construction d'une grande rivière
artificielle de 4.000 kilomètres. Celle-ci doit faire
venir de l'eau fossile, piégée sous le désert,
vers les côtes. Un accord sur le tourisme a également
été conclu, ainsi qu'une coopération entre
les universités de Poitiers et de Tripoli sur des projets
de recherche en paléontologie.
Alors que les dernières sanctions qui pesaient contre
la Libye n'ont été levées qu'en janvier
dernier, les gros contrats restent encore à venir. Les
besoins de la Libye, soumise depuis 1991 aux sanctions du Conseil
de sécurité des Nations unies, sont potentiellement
énormes. D'où l'intérêt manifesté
par les pays occidentaux qui se sont succédé depuis
quelques mois à Tripoli, et se livrent désormais
à une concurrence acharnée.
Parmi les marchés «prometteurs», la France
s'intéresse en particulier au secteur pétrolier,
au moment où la Libye a l'ambition de doubler sa production
en cinq ans. «Bien entendu, la France sera candidate à
s'associer (à ce projet, NDLR) et je ne doute pas que
la Libye prendra les décisions les plus conformes à
son intérêt», a expliqué Jacques Chirac.
Le PDG de Total, Thierry Desmarest, faisait d'ailleurs partie
des chefs d'entreprise qui l'accompagnaient dans son voyage.
De son côté, Thalès est en négociation
pour la couverture radar nationale et la surveillance côtière
de la Libye. Outre la vente éventuelle de Mirages, le
groupe s'intéresse aussi aux contrats de maintenance
des avions militaires existants, marché sur lequel la
concurrence est féroce. L'embargo sur les armes vendues
à la Libye a été levé le 12 octobre
dernier.
En revanche, la question d'éventuels transferts de technologie
de la France vers la Libye en matière de nucléaire
civil «n'est pas d'actualité», a affirmé
le président français. «Il n'y a pas de
démarche de cette nature», a-t-il souligné.
Dans ce contexte, Jacques Chirac n'a pas évoqué
jeudi les critiques exprimées récemment par le
colonel Kadhafi au sujet de l'intervention de l'armée
française en Côte d'Ivoire. Il a au contraire «remercié»
le «guide» libyen pour «ses efforts constructifs»
pour résoudre les crises au Darfour et en Côte
d'Ivoire.
Le président Chirac n'a même vu aucun inconvénient
à avoir été entraîné la veille
par son hôte, devant des responsables français
un peu surpris, à l'intérieur du bâtiment
détruit en 1986 par des frappes américaines dans
l'enceinte du Palais Bab Azizia. «C'est une tradition
et tous les hôtes officiels sont conduits à cet
endroit (...) J'ai fait comme tout le monde.»
Interrogé sur la situation au Proche-Orient, il s'est
par ailleurs félicité d'un «certain réengagement
américain» dans cette région. »J'ai
observé avec satisfaction l'engagement des Américains
de soutenir clairement l'organisation d'élections libres»
dans les territoires palestiniens, a-t-il déclaré,
y voyant «un signe positif».
AP
co/tl