victimes attentat

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(Jeudi 25 novembre 2004)

LIBYE : Le président de la République a entamé hier une courte visite pour sceller la réconciliation avec Tripoli après sa renonciation au terrorisme
Chirac offre un «partenariat» à Kadhafi

Jacques Chirac est arrivé hier à Tripoli pour une visite de vingt-quatre heures en Libye destinée à tourner la page de l'embargo et à accompagner les efforts d'un pays qui entend retrouver toute sa place sur la scène internationale. Depuis la levée des sanctions internationales il y a quinze mois et celle, récente, de l'embargo européen, la Libye est à nouveau très courtisée pour sa manne pétrolière, notamment par les Etats-Unis et l'Union européenne. Le président de la République, qui s'est entretenu dès son arrivée hier avec le colonel Muammar Kadhafi, quittera Tripoli à la mi-journée pour se rendre au 10e sommet de la francophonie à Ouagadougou, au Burkina-Faso.

Tripoli : de notre envoyé spécial Luc de Barochez
[25 novembre 2004]

Bien qu'il entendît clore la période où le terrorisme empoisonnait les relations franco-libyennes, Jacques Chirac a dû s'y replonger symboliquement à son arrivée hier à Tripoli. Le colonel Muammar Kadhafi, vêtu d'un burnous, lui a fait visiter les ruines de son quartier général bombardé par l'aéronavale américaine en 1986, au plus fort de la tension entre la Libye et l'Occident. C'était l'époque où les militaires français et libyens se faisaient la guerre au Tchad, en 1983, où des agents de Tripoli faisaient exploser en vol un avion de ligne américain, en 1988, et où ils récidivaient en détruisant un appareil français, en 1989. Après avoir foulé le sol du palais encore jonché de pièces de métal tordues et de gravats, le président de la République a été reçu par son hôte dans une grande tente bédouine plantée sur une pelouse voisine, à côté d'un troupeau de chameaux occupés à paître placidement. La mise en scène était au rendez-vous pour la première visite jamais effectuée par un président de la République française à Tripoli.

Malgré son attachement à un martyrologe très particulier, la Libye est censée avoir tourné aujourd'hui la page de la violence. Kadhafi a accueilli son hôte comme un «ami». Jacques Chirac en a pris acte. Il a déclaré qu'il était venu célébrer le «renouveau» et les «retrouvailles» franco-libyennes. Il a offert un «vrai partenariat» à Kadhafi, l'ex-voyou international devenu, sinon un bon élève, du moins quelqu'un de très fréquentable. Forte de ses importantes ressources pétrolières, la Libye a quitté le ban des nations pour réintégrer la communauté internationale. «Le chemin parcouru s'annonce prometteur. Nous devons maintenant le consolider et avancer», a expliqué Chirac. Le contraste ne pouvait pas être plus vif avec le sommet euroméditerranéen de Tunis voici un an, où le président français et le dirigeant libyen s'étaient soigneusement évités.

Le versement cette année par la Libye de 170 millions de dollars d'indemnités aux victimes de l'attentat de 1989 contre un DC 10 d'UTA a permis ce changement. Jacques Chirac s'en est félicité, ainsi que de la levée des sanctions internationales contre Tripoli et de la renonciation par la Libye à ses programmes d'armes de destruction massive. «La Libye a effectué (...) des choix décisifs : le choix de la responsabilité, le choix de la réconciliation et du règlement des derniers contentieux qui faisaient obstacle à sa réintégration dans le concert des nations», a-t-il dit.

Cela n'empêche pas la rivalité franco-libyenne de se poursuivre sur le continent africain. Jacques Chirac s'est abstenu hier de répondre directement aux remarques acerbes du Guide.

Dans son entretien d'hier au Figaro, Kadhafi critiquait l'intervention de l'armée française en Afrique, notamment en Côte d'Ivoire. Le président de la République, qui a prononcé un discours devant les expatriés français à Tripoli, s'est contenté de souligner que «Libyens et Français portent la même attention soutenue au devenir du continent africain». La question doit être au coeur du sommet de la francophonie qui s'ouvre ce soir à Ouagadougou. A Paris, le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé a rappelé que si la France était intervenue en Côte d'Ivoire, c'était sur mandat de l'ONU et avec l'accord de l'Union africaine, sans opposition de la Libye.

Depuis le début de l'année, les dirigeants britannique, espagnol, italien et allemand ont précédé Jacques Chirac en Libye. Le président entend aujourd'hui rattraper le retard. Il a souhaité que les relations franco-libyennes reviennent au plus vite à leur âge d'or des années 70. «Le moment est venu de redonner à la France les moyens de tenir sa place et son rang en Libye», a-t-il dit. Il a proposé à Kadhafi un dialogue régulier portant sur les questions politiques et de sécurité.

Il a encouragé la Libye à poursuivre la réforme de son économie et à l'intégrer dans un même ensemble avec les autres pays du Maghreb. Il a soutenu les ambitions des entreprises françaises qui souhaitent décrocher des contrats dans les domaines de l'énergie, des infrastructures, des télécoms, des transports, de l'eau, de l'environnement et du tourisme.

Le président de la République est d'ailleurs venu en Libye avec une vingtaine de chefs d'entreprise. Entre Français et Libyens, l'heure est aux affaires. Hier, Chirac et Kadhafi ont décidé, selon l'Élysée, de «regarder l'avenir ensemble, avec confiance».

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