Par
Gérard Bon
TRIPOLI (Reuters) - Jacques Chirac a salué
à Tripoli les efforts de la Libye pour retrouver "toute
sa place" sur la scène mondiale, au terme d'une visite
destinée à sceller les "retrouvailles"
franco-libyennes.
"Toutes les conditions sont réunies
pour ouvrir un nouveau chapitre des relations entre la Libye et
la France", a déclaré le président français
lors d'une conférence de presse.
Il a souligné avoir voulu par sa visite,
la première d'un chef d'Etat français en Libye depuis
l'indépendance en 1951, manifester que "la France
reconnaissait les changements fondamentaux qui ont été
opérés en Libye depuis maintenant deux ans en faisant
les gestes nécessaires pour tourner la page d'un passé
qui a laissé un souvenir douloureux".
"La Libye a fait le choix de la responsabilité,
de la réconciliation, de la main tendue", a-t-il ajouté.
Depuis la levée des sanctions internationales
il y a quinze mois et celle, très récente, de l'embargo
européen, la Libye est à nouveau très courtisée
pour sa manne pétrolière, notamment par les Etats-Unis
et des pays de l'Union européenne.
Jacques Chirac, qui était arrivé
à Tripoli mercredi en milieu d'après-midi, en est
reparti jeudi à la mi-journée pour se rendre au
Xe sommet de la Francophonie à Ouagadougou, au Burkina
Faso.
Le but de sa visite était de renouer avec
"un grand pays maghrébin, méditerranéen
et africain" après des années de "fortes
turbulences".
Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avait cependant
jeté un froid le jour même de l'arrivée du
président Chirac en critiquant l'intervention militaire
française en Côte d'Ivoire. "Je n'ai pas encore
compris la raison de la présence militaire de la France
en Afrique", a-t-il dit au Figaro.
A Paris comme à Tripoli, les officiels
français se sont efforcés de minimiser la charge
du dirigeant libyen. "Nous avons la même analyse, sur
cette crise (de Côte d'Ivoire) en particulier, avec le colonel
Kadhafi", a souligné Jacques Chirac.
Autre léger trouble, Mouammar Kadhafi
a fait visiter au président français le bâtiment
bombardé par les Américains en 1986 au coeur de
sa résidence officielle. Cette visite a provoqué
un retard d'une vingtaine de minutes pour la délégation
française, qui a paru prise au dépourvu.
PARTENARIAT ET COOPERATION
Là encore, Jacques Chirac a calmé
le jeu: "C'est une tradition, tous les hôtes officiels
sont conduits à cet endroit, j'ai fait comme tout le monde",
a-t-il expliqué.
Paris considère que Tripoli a répondu
à tous les préalables à une normalisation,
notamment en respectant l'accord d'indemnisation des familles
des 170 victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989.
Mouammar Kadhafi a exprimé à Jacques
Chirac "sa reconnaissance à la France pour ce qu'elle
avait fait à propos de l'Irak et pour avoir accueilli Yasser
Arafat à Paris".
Le chef de l'Etat français a offert pour
sa part au dirigeant libyen une édition originale de "L'esprit
des lois" de Montesquieu et a reçu en échange
la Grand-Croix de la Révolution libyenne.
Il proposé au dirigeant libyen de sceller
le rapprochement des deux pays dans plusieurs directions, notamment
en organisant un "partenariat politique" et en développant
la coopération économique.
Mouammar Kadhafi a indiqué que la Libye,
qui a renoncé aux armes de destruction massive, souhaitait
en contrepartie que des transferts de technologie lui permettent
de "développer des industries civiles à usage
pacifique". Jacques Chirac lui a répondu qu'une coopération
dans ce domaine était possible si Tripoli respectait "les
règles internationales en vigueur".
Prié par des journalistes de dire si cette
coopération incluait le nucléaire civil, Jacques
Chirac a répondu: "Vous évoquez le nucléaire
civil, ce qui peut-être naturellement une ambition de la
Libye, mais qui n'est pas d'actualité aujourd'hui. Le problème
n'est pas d'actualité".
Pour appuyer les ambitions économiques
françaises, Jacques Chirac était accompagné
d'une quinzaine de dirigeants d'entreprise, dont celui de Total,
Thierry Desmarest.
Partenaire modeste de la France, le pays a besoin
de gros investissements pour ses infrastructures. Paris espère
développer la présence de ses entreprises dans les
secteurs stratégiques de l'énergie, des infrastructures,
des télécommunications et des transports.
L'embargo européen n'ayant été
levé que le 12 octobre, les industriels français
ont surtout profité du voyage libyen pour "préparer
le terrain" et se placer sur les appels d'offre.
Cinq accords techniques ou de coopération
ont été signés, notamment par Vinci, sur
un projet de rivière artificielle, et par EADS à
propos d'aéronautique. Thales est pour sa part en négociation
pour la couverture radar nationale de la Libye. "C'est un
marché prometteur, il faut faire le maximum pour le soutenir",
a dit Jacques Chirac lors d'une table ronde jeudi matin avec les
entrepreneurs français. |