SOFIA (AFP) - La Bulgarie a catégoriquement refusé
lundi de verser des indemnités à la Libye pour
obtenir la libération de cinq infirmières bulgares
condamnées à mort début mai à Benghazi
(nord de la Libye) pour avoir infecté avec le sida quelque
380 enfants libyens.
"Nous excluons de payer des indemnités pour acheter
la liberté de nos infirmières", a déclaré
la vice-ministre des Affaires étrangères, Guergana
Grantcharova. "Cela reviendrait à reconnaître
leur culpabilité alors que nous sommes convaincus qu'elles
sont innocentes", a-t-elle ajouté.
Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdel
Rahmane Chalgham, avait estimé dimanche que pour obtenir
le ré-examen du dossier, la Bulgarie serait avisée
d'"indemniser les familles des victimes et de faire soigner
les malades en coopération avec l'Union européenne"
(UE). Moins diplomatique, le président de la commission
de la Santé au parlement, Atanas Chterev, a qualifié
cette proposition de "chantage". "Le monde entier
sait qu'il s'agit d'un procès politique mal ficelé",
a-t-il ajouté. "Seul le régime totalitaire
de Mouammar Kadhafi continue à mentir pour éviter
d'assumer ses responsabilités".
Un avocat des infirmières, Me Hari Haralampiev, a pour
sa part estimé qu'il s'agissait d'une "démarche
politique". "L'accepter serait reconnaître la
culpabilité (des condamnées). Une justice impartiale
doit les acquitter", a-t-il estimé. La mère
de l'une des infirmières, Zorka Anatchkova, a également
rejeté la proposition de Tripoli. "Kadhafi et Chalgham
savent très bien que les Bulgares sont innocentes",
a-t-elle affirmé lors d'une manifestation de solidarité
tenue à Varna (est) au cours de laquelle 50 pigeons blancs
ont été lâchés devant l'église
locale. Selon Mme Grantcharova "la Bulgarie est disposée
à participer à un dialogue qui prenne en compte
à la fois la tragédie des enfants libyens contaminés
et l'absence totale de preuves" contre les infirmières.
"Dans ce dialogue, le rôle de coordinateur revient
à l'UE", a-t-elle estimé.
En décidant en octobre de lever l'embargo sur les livraisons
d'armes à la Libye, les ministres européens des
Affaires étrangères avaient "pressé"
Tripoli de résoudre au plus vite cette affaire. Début
mai, un tribunal de Benghazi avait condamné à
mort les cinq infirmières et un médecin palestinien
au terme de cinq années de détention préventive.
Les six prévenus avaient été reconnus coupables
d'avoir infecté du virus du sida 380 enfants et d'avoir
causé la mort de 46 autres alors qu'ils exerçaient
dans un hôpital pédiatrique de la ville.
La Bulgarie a fait appel de ce jugement et a lancé une
campagne tous azimuts pour obtenir la libération de ses
ressortissantes. Sofia se réfère notamment aux
témoignages du professeur français Luc Montagnier,
co-découvreur du virus de sida, et du professeur italien
Vittorio Colizzi selon lesquels la mauvaise hygiène à
l'hôpital était à l'origine du drame. En
novembre, le journal Novinar avait saisi le parquet bulgare
en arguant que les condamnés avait subi des sévices
corporels, qu'ils avaient été battus et torturés
à l'électricité.
Lors du procès, deux des infirmières et le médecin
palestinien, qui avaient reconnu les faits devant la police,
avaient déclaré que leurs dépositions leur
avaient été extorquées par la torture.
La justice libyenne avait examiné ces accusations et
avait par la suite acquitté les policiers ayant participé
aux interrogatoires.