L'année 2004 aura été celle de tous les
changements pour la Libye, à la fois sur le plan politique
avec son retour en grâce sur la scène internationale
et sur le plan économique avec l'amorce de réformes
qui tranchent avec le dirigisme étatique.
Tout a commencé le 19 décembre 2003, lorsque,
à la grande surprise mondiale, Tripoli a révélé
son programme d'armes de destruction massive et s'est engagé
à y renoncer, après des négociations secrètes
avec Washington et Londres.
"Le monde a changé" a reconnu le numéro
un libyen Mouammar Kadhafi à l'occasion du 35e anniversaire
de son accession au pouvoir, le 1er septembre, pour expliquer
sa politique d'ouverture tous azimuts vers l'Occident, Etats-Unis
en tête. "Nous nous sommes beaucoup insultés,
mais en fin de compte nous étions tous perdants",
avait-il ajouté pour justifier sa volonté d'effacer
l'image d'"Etat voyou" qui a été celle
de Tripoli pendant plus de vingt ans.
Désormais, officiels et médias libyens répètent
à l'envi que dans ce monde, il "n'existe pas d'amitié
éternelle, ni d'hostilité éternelle, il
n'y a que les intérêts" économiques
qui comptent. L'un après l'autre, la libye a réglé
ses conflits avec les pays occidentaux. La fondation Kadhafi,
dirigée par Saif Al-Islam le fils aîné du
dirigeant libyen, a été le maître d'œuvre
de ces règlements, d'un prix de plusieurs milliards de
dollars pour Tripoli.
Elle a signé un accord avec la France pour dédommager
les victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989 (170
morts), en s'engageant à verser 170 millions de dollars
aux familles. Elle s'est aussi mise d'accord avec l'Allemagne
pour verser 35 millions de dollars de dédommagements
pour l'attentat contre la discothèque berlinoise “La
Belle” en 1986 (3 morts et 260 blessés). Déjà
en 2003, la Libye avait accepté le paiement de 2,7 milliards
de dollars aux familles des victimes de l'attentat de Lockerbie
(Ecosse) en décembre 1988 (270 morts).
Tripoli et Washington ont renoué en juin 2004 leurs
relations diplomatiques après une rupture de 24 ans et
depuis, officiels et parlementaires américains se succèdent
chez le "chef de la révolution libyenne", qui
a tant décrié "l'impérialisme américain".Les
Européens qui ont levé en octobre les sanctions
à l'encontre de la Libye, sont venus en nombre à
Tripoli, notamment le Britannique Tony Blair, l'Italien Silvio
Berlusconi et l'Allemand Gerhard Schroeder.
Le Président français Jacques Chirac a été
le dernier haut dirigeant européen à sceller la
réconciliation entre son pays et la Libye. Il a indiqué
que l'objectif de son voyage était d'établir un
"vrai partenariat" politique et économique
avec Tripoli. La "Nouvelle Libye" entend faire du
pétrole, sa principale ressource, le coeur de son ouverture
économique. Elle compte à cet effet associer le
maximum de compagnies internationales à son exploitation.
Selon son Premier ministre Choukri Ghanem, économiste
formé aux Etats-Unis et ancien ministre du Pétrole,
Tripoli, membre de l'Opep, a pour ambition de doubler sa production
pour atteindre 3 millions de barils par jour en 2010. M. Ghanem
qui a reçu la carte blanche pour rouvrir le pays aux
investisseurs étrangers et démanteler l'économie
administrée, source de corruption et de gaspillage, estime
que l'investissement nécessaire pour atteindre cet objectif
tournerait autour de 30 mds de dollars.
Les compagnies américaines sont sur les rangs, mais
elles ne sont pas les seules. Les groupes pétroliers
français, italiens et espagnols (Total, Agip et Repsol),
et canadiens, ne veulent pas laisser passer l'occasion de se
renforcer dans l'exploration du sous-sol libyen.
En 2004, Tripoli s'attend à encaisser un pactole de
quelque 15 milliards de dollars de ses exportations pétrolières,
en raison de la flambée des prix du brut.
Sur un autre plan, la Libye doit relever le défi de lutter
contre le phénomène de l'immigration clandestine
qui inquiète notamment les dirigeants italiens, pour
rétablir entièrement les ponts avec l'Europe.