TRIPOLI, 01/06 - La Haute cour libyenne a annoncé mardi
avoir reporté au 15 novembre sa décision sur la
recevabilité de l`appel de cinq infirmières bulgares
et un médecin palestinien condamnés à mort
pour avoir inoculé le sida à des enfants, trois
jours après une visite du président bulgare en
Libye.
Le juge Ali al-Allouche a fait cette annonce sans plus de précisions.
Détenus depuis six ans, les condamnés ont été
reconnus coupables en première instance le 6 mai 2004
d`avoir inoculé le virus du sida en transfusant avec
du sang contaminé 380 enfants libyens de l`hôpital
de Benghazi (nord) où ils exerçaient. Quarante-sept
enfants sont morts des suites de cette transfusion. La Commission
européenne s`est aussitôt félicitée
du report.
La cour devait au départ se prononcer mardi sur la recevabilité
de l`appel ou la confirmation de la condamnation à mort
des six personnes qui clament leur innocence. Si la cour accepte
l`appel, la justice doit ordonner, en principe, une nouvelle
enquête et une nouvelle procédure. Dans le cas
contraire, la condamnation à mort sera maintenue.
"Nous accepterons la décision de la cour",
a déclaré l`avocat des cinq Bulgares, Othmane
al-Bizanti, qui a assisté à l`audience en l`absence
des infirmières. "Mais il n`est pas juste de faire
durer l`affaire et la ralentir", a-t-il cependant affirmé.
De son côté, le Français Emmanuel Altit,
un des avocats mandatés par les infirmières bulgares
soutenus par l`association Avocats sans Frontières, a
estimé devant la presse que "c`est un signe positif,
la justice prend son temps dans cette affaire". Après
l`annonce du report, des familles des victimes ont protesté
devant la salle du tribunal et des affrontements ont eu lieu
avec les forces de sécurité. Elles scandaient:
"nous ne voulons pas d`indemnités", "Bizanti,
tu es un traître", ou encore "tuez-les ou tuez-nous".
A Bruxelles, la commissaire européenne aux Relations
extérieures Benita Ferrero-Waldner, citée par
sa porte-parole, s`est félicité de ce report.
"Je salue cette décision. Elle indique que la Haute
cour libyenne reconnaît que le premier procès nécessite
d`être réexaminé et que la peine de mort
(...) ne peut pas être confirmée". Bruxelles
a néanmoins rappelé que l`UE considérait
qu`une "décision juste" des magistrats libyens
sur cette affaire, qui empoisonne les relations renaissantes
entre l`Union et Tripoli, revêtait un "caractère
d`urgence". L`annonce du report intervient trois jours
après une visite de deux jours en Libye du président
bulgare Gueorgui Parvanov, qui a eu des entretiens avec le dirigeant
libyen Mouammar Kadhafi et le Premier ministre Choukri Ghanem.
Il s`était également rendu dans la ville de Benghazi
dans l`établissement accueillant les enfants malades.
Il avait également rencontré les infirmières
à Tripoli. Le Premier ministre libyen a affirmé
samedi lors de la visite du président Parvanov qu`il
ne fallait "pas politiser cette affaire qui doit être
traitée dans un contexte juridique et humanitaire".
Le président bulgare avait lui émis l`espoir que
"ce grave problème soit traité dans le cadre
humanitaire", tout en affirmant la nécessité
de "respecter la décision de la justice".
Lors du procès en 2004, la défense avait fait
témoigner le Pr français Luc Montagnier, co-découvreur
du virus du sida, et deux autres spécialistes reconnus,
l`Italien Vittorio Colizzi et le Suisse Luc Perrin, qui avaient
déclaré que les mauvaises conditions d`hygiène
de l`hôpital constituaient la cause de la contamination.
Mais en prononçant la peine de mort, le tribunal libyen
n`a retenu qu`un rapport d`expertise libyen concluant à
la culpabilité des prévenus. En décembre
2004, la Bulgarie avait refusé une proposition de Tripoli
de libérer les infirmières en échange d`une
somme équivalent aux indemnités versées
par la Libye aux victimes de l`attentat de Lockerbie (Ecosse)
de 1988.