IWPR
Comment sauver les infirmières bulgares condamnées
à mort en Libye ?
Traduit par Pierre Dérens
Publié dans la presse : 25 août 2005
Mise en ligne: samedi 27 août 2005
Cinq infirmières bulgares sont condamnées à
mort en Libye sous l’accusation d’avoir délibérément
contaminé le sang de 400 enfants par le virus VIH. Elles
attendent le résultat de leur dernier appel. En Bulgarie,
l’opinion reste partagée sur la décision
que devrait prendre le nouveau gouvernement dirigé par
les socialistes.
Par Albena Shkodrova
En Bulgarie, certains pensent que le gouvernement devrait prendre
en compte les exigences libyennes et verser des compensations
aux familles des enfants contaminés, tout autre solution
ayant échoué. Pour d’autres, toute négociation
avec les parents ne peut aboutir, parce qu’ils ne sont
pas unis, certains sont prêts à discuter mais d’autres
exigent l’exécution des femmes.
Kristina Vulcheva, Nasya Nenova, Snezhana Dimitrova, Valentina
Siropulo et Valya Chervenyashka ont été condamnées
à mort en mai 2004 à la suite d’une contamination
massive au HIV dans un hôpital de Benghazi. Un homme,
le docteur Zdravko Georgiev, a été condamné
à quatre ans de prison, mais relâché par
la suite, sans avoir le droit de quitter le pays, et vit maintenant
à l’intérieur de l’ambassade bulgare
de Tripoli
Au procès du personnel médical, des experts internationaux
ont témoigné que l’infection provenait de
l’absence d’hygiène dans l’hôpital
et s’était répandue avant l’arrivée
des Bulgares. Maintenant qu’une cinquantaine de décès
ont eu lieu, la colère monte en Libye.
Les juges libyens ont suivi leur gouvernement, pour qui les
travailleurs de santé complotaient contre l’État,
à la demande de la CIA et du Mossad, les services secrets
d’Israël.
Des appels de l’Union européenne et des USA, pour
l’instant, n’ont pas eu d’effet, même
si, de source diplomatique bulgare, on continue de discuter
jusqu’au 15 novembre, date de la réunion de la
Cour Suprême. Pour certains analystes, si la Haute cour
libyenne confirme la sentence, il deviendra impossible de sauver
les infirmières.
Pour dépasser leur isolement international, et mettre
un terme au processus engagé depuis plus de six ans,
la Libye s’est empressée de renouveler ses exigences
de compensation, dès la formation du nouveau gouvernement
bulgare.
Ivailo Kalfin, le nouveau ministre des Affaires étrangères,
a cependant rejeté ce paiement, qualifié de «
prix du sang », en reprenant la position de son prédécesseur
qui craignait que l’offre d’une compensation n’apparaisse
comme une acceptation de culpabilité. Celui-ci avançait
même l’idée que, si un accord était
trouvé avec les parents, cela n’entraînerait
aucune garantie d’amnistie pour les infirmières.
Vladimir Chukov, expert du monde arabe, qui a suivi ce cas
de près, pense que le gouvernement se trompe. Il affirme
que la Bulgarie devrait négocier avec les parents, sans
perdre de temps à vouloir prouver l’innocence des
accusés. « S’en remettre au système
juridique libyen et à celui de la communauté internationale,
avec leurs nombreuses autres priorités, est une erreur
», estime-t-il, sans oublier que les liens spéciaux
entre les socialistes bulgares et libyens n’aident en
rien à résoudre ce problème.
Négocier augmenterait la possibilité que les
infirmières soient moins lourdement condamnées,
cela permettrait peut-être même qu’elles soient
transférées dans une prison bulgare.
Mirolyuba Benatova, journaliste de la TV bulgare, pense exactement
le contraire, affirmant que même si la Bulgarie acceptait
de négocier, il n’est pas évident de savoir
avec qui parler, les parents des enfants étant également
divisés sur ce qu’ils veulent.
Beaucoup pensent que c’est l’Etat libyen, pas les
parents, qui monte l’affaire contre les infirmières.
C’est aussi le point de vue de Zdravko Georgiev. «
Ces gens (les parents) n’ont jamais pensé que c’était
de notre faute. Pendant longtemps, ils venaient chercher de
l’aide auprès des infirmières. Ce sont des
émissaires de l’État qui les endoctrinent
».
« Le monde entier sait que nous ne sommes pas coupables
et c’est ce qui est le plus important pour moi »,
ajoute-t-il.
Vladimir Chukov pense que la situation des Bulgares est pourtant
dangereuse. « Khadafi ne va pas reculer. Il est fier de
la justice libyenne et il est convaincu que c’est la meilleure
au monde. Il s’agit donc d’une question de fierté
nationale ».