Alors que la Haute cour libyenne examine mardi prochain le recours
déposé par les prisonnières, la Bulgarie
indique qu’elle ne versera pas de dédommagements
financiers pour obtenir la libération de ses ressortissantes.
Dans le même temps, la chanteuse Sylvie Vartan, elle-même
d’origine bulgare, lance un appel en faveur des condamnées
à mort.
Sylvie Vartan ne renie pas ses origines bulgares,
bien au contraire. La chanteuse française, qui continue
une carrière entamée il y a plus de quarante ans
dans le show business, vient de mettre sa notoriété
au service d’une cause, celle des cinq infirmières
emprisonnées en Libye depuis plus de six ans.
Ces infirmières ont été
jugées en 2004 et condamnées à mort. Elles
sont accusées d’avoir inoculé le sida à
426 enfants soignés dans un hôpital de Benghazi,
au nord de la Libye. Un médecin palestinien partage leur
sort. Tous étaient venus chercher du travail dans ce pays.
Sylvie Vartan lance un appel «à
la mobilisation internationale». «Tous ceux qui, comme
nous, avons la chance de pouvoir bénéficier d’un
système de justice civilisé, devons faire entendre
nos voix, et crier haut et fort notre indignation et notre dégoût.
Notre silence nous rendrait complices», lance la chanteuse
qui souhaite toucher tout à la fois son public, le peuple
bulgare et les autorités libyennes. L’exhortation
de Sylvie Vartan se double d’une pétition que toute
personne, sensible à cette cause, peut signer sur Internet.
Cet appel en faveur de ces condamnés à
mort pour des raisons inédites intervient quelques jours
avant l’examen, par la justice libyenne, d’un recours
déposé par les condamnés à mort. Mardi,
la Haute cour va se prononcer. Elle peut, soit confirmer les peines
de mort prononcées le 6 mai 2004, soit renvoyer le procès
à plus tard pour un nouveau réexamen des faits.
Un réexamen imminent
«Les condamnés vont être exécutés
pour avoir avoué sous la torture», affirme Sylvie
Vartan. La femme publique se politise. Et la chanteuse joue sur
le registre des racines et de la mémoire en déclarant
que cette affaire «est la plus humiliante et la plus tragique
des offenses que le peuple bulgare ait eues à subir depuis
l’heure noire des exactions et des purges staliniennes».
Les infirmières bulgares et le médecin
palestinien ont fait appel de leur condamnation à la peine
de mort en s’appuyant sur l’expertise de personnalités,
connues dans le monde médical en général
et dans l’univers du sida en particulier. Il s’agit
notamment du Français Luc Montagnier, l’un des co-découvreurs
du virus du sida.
Comme d’autres spécialistes reconnus
de cette maladie, le professeur Montagnier est venu à Tripoli
expliquer à la justice libyenne pourquoi plus de cinquante
enfants sont morts du sida dans cet hôpital de Benghazi.
Les mauvaises conditions d’hygiène de l’établissement,
et notamment la réutilisation de seringues jetables, dont
il est impossible de stériliser l’aiguille, sont
la cause de cette épidémie provoquée par
des produits sanguins contaminés à l’hôpital.
Avant «l’appel au peuple» de
Sylvie Vartan, l’Union européenne et les Etats-Unis
ont déjà demandé, à plusieurs reprises,
la libération des six condamnés à mort. Chaque
fois, les hommes politiques ont pris l’engagement d’aider
le secteur médical libyen à venir à bout
de cette épidémie. En octobre dernier, le président
Bush avait déclaré que les infirmières bulgares
devaient être «non seulement graciées, mais
libérées». Du côté du Conseil
de l’Europe, on estimait tout récemment «qu’il
n’existe aucune preuve de leur culpabilité et qu’elles
sont les boucs émissaires d’un système de
santé délabré».
A l’approche de la nouvelle échéance
judiciaire en Libye qui pourrait bien décider du sort des
6 condamnés, le ministre bulgare des Affaires étrangères
a indiqué que son pays se refusait à payer des compensations
financières pour obtenir la libération de ses cinq
ressortissantes. Pour Ivaïlo Kalfine, «ce n’est
pas acceptable pour nous. On paie si on est coupable et ce n’est
pas le cas pour les infirmières». Les Libyens avaient
proposé cette solution en invoquant le droit islamique.
Le ministre bulgare a par ailleurs indiqué
qu’une organisation non gouvernementale bulgare a acheté
du matériel médical pour soigner les enfants libyens
malades du sida. Ces équipements s’intègrent
dans un plan d’action plus vaste, financé par l’Union
européenne à hauteur d’un million d’euros,
pour prendre des mesures sanitaires en Libye afin de limiter le
développement de la maladie.
Pas de marchandage
Ivaïlo Kalfine a par ailleurs démenti
des informations parues dans la presse britannique parlant d’un
deal entre les autorités bulgares et libyennes. Les infirmières
pourraient être échangées contre un officier
libyen, condamné au Royaume-Uni pour sa participation à
l’attentat de Lockerbie, en 1988, contre un avion de la
Pan Am. L’attentat avait fait 270 morts. «Je ne veux
pas voir les infirmières utilisées dans ce contexte»,
a déclaré le chef de la diplomatie bulgare. Il faut
cependant rappeler que, pour faire son retour dans la communauté
internationale, le colonel Kadhafi a versé de l’argent
aux familles des victimes de l’attentat de Lockerbie.
Alors que la justice libyenne va une nouvelle
fois se pencher sur le sort des accusés, Saïf al Islam,
l’un des fils du président Kadhafi, vient de faire
des déclarations apaisantes. Ces femmes sont-elles coupables
?, lui a demandé une agence de presse. «Personnellement,
je ne le pense pas. Mais nous sommes ici confrontés à
un drame», a-t-il indiqué.
A Sofia, aucune personnalité politique
n’a réagi aux propos du fils du président
libyen dont on dit qu’il pourrait lui succéder à
la tête du pays. L’influence politique de Saïf
al Islam est reconnue dans son pays, notamment à travers
l’organisation humanitaire qu’il préside. En
voyage à Berlin pour une conférence sur la sécurité,
Saïf al Islam a déclaré que Tripoli ne serait
pas hostile à une intervention américaine pour aider
au règlement de la question. «Le plus important est
de trouver d’urgence une solution pour les familles des
victimes», les enfants contaminés par le VIH. Avant
ces déclarations, la Libye avait démenti la rumeur
concernant une possible libération des six prisonniers.
C’est en tout cas de Los Angeles, où elle vit, que
la chanteuse franco-bulgare, Sylvie Vartan, a lancé son
appel en faveur des infirmières emprisonnées en
Libye.
Colette Thomas
Article publié le 11/11/2005
Dernière mise à jour le 11/11/2005 à 19:32
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