victimes attentat

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(mardi 15 novembre 2005)

Les infirmières bulgares attendent le verdict de la Cour libyenne

Pierre Prier
[15 novembre 2005]

LES CINQ INFIRMIÈRES bulgares et le médecin palestinien condamnés à mort en Libye ont vécu les dernières 24 heures dans l'angoisse. Aujourd'hui, la Cour suprême de Tripoli doit examiner le jugement du 6 mai 2004 qui les envoyait à l'échafaud pour avoir «volontairement inoculé le virus du sida» à 426 enfants de l'hôpital pédiatrique de Benghazi, dont 51 sont déjà morts. Accusation jugée absurde par la Bulgarie, l'Union européenne, le Conseil de l'Europe et les Etats-Unis, qui dénoncent une mise en scène destinée à masquer les insuffisances du système de santé libyen. Selon un récent rapport du Conseil de l'Europe, les prévenus ont avoué après avoir subi des tortures «barbares».

Détention améliorée

Mais la Libye fait maintenant du sort des prisonniers une affaire politique, exigeant de la Bulgarie des compensations financières équivalentes à celles versées par Tripoli aux familles des victimes de l'attentat contre le Boeing de Lockerbie en décembre 1988, perpétré par un agent libyen.

Jugeant sur la forme autant que sur le fond, la Cour suprême libyenne tient entre ses mains le sort des accusés. Pour ces derniers, «le stress est inimaginable», dit l'avocat français mandaté par les infirmières, Emmanuel Altit, administrateur d'Avocats sans frontières. Hier, dans la prison de Tripoli, Me Altit a pu s'entretenir pour la première fois sans témoin avec ses clientes. Les conditions de leur détention, dit-il, se sont améliorées. «Elles sont détenues dans une petite maison de plain-pied construite spécialement pour elles dans l'enceinte de la prison», raconte-t-il. Mais elles sont «dans un état de stress terrible, ajoute l'avocat. Trois d'entre elles arrivent à faire bonne figure, mais les deux autres me sont apparues prostrées, dans un grand état d'abattement».

Selon Me Altit, les prisonnières veulent «remercier» ceux qui se mobilisent pour elles (une manifestation, soutenue par la chanteuse Sylvie Vartan, d'origine bulgare, devait avoir lieu hier à Paris). Mais plus de six ans d'incarcération ont usé les cinq femmes. «Elles vivent au jour le jour, explique Me Altit. Elles craignent, à la suite de l'arrêt de la Cour suprême, de perdre les avantages obtenus récemment, comme celui d'aller consulter un médecin en ville, sous escorte.» Le médecin palestinien, le Dr Ashraf al-Hadjudj, est pour sa part confiné à l'isolement.

L'audience de la Cour suprême ne signifie pas forcément la fin du cauchemar pour les six prisonniers de Kadhafi. Les juges pourraient soit confirmer le jugement, soit l'annuler et faire reprendre la procédure par une cour différente, soit reporter sa décision à une date ultérieure. Mais la solution pourrait se trouver ailleurs. Vendredi, Seif el-Islam, fils du colonel Kadhafi, a dit «ne pas croire à titre personnel» à la culpabilité des accusés, tout en recommandant un «arrangement». Des pourparlers très discrets semblent se dérouler à Londres, où l'ambassadeur de Libye a évoqué hier «un arrangement en dehors du cadre gouvernemental».

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