Christophe de ROQUEFEUIL
Agence France-Presse
TRIPOLI
Le ministre français des Affaires étrangères,
Philippe Douste-Blazy, a rencontré jeudi dans une prison
proche de Tripoli des infirmières bulgares et le médecin
palestinien accusés d'avoir inoculé le virus du
sida à des enfants libyens.
L'une des infirmières, Kristiana Vulcheva, au bord des
larmes, a profité de l'occasion pour lancer un appel:
"Ne nous oubliez pas". "Nous savons très
bien que nous sommes les otages d'un jeu politique, nous sommes
exténuées", a-t-elle dit, assise à
côté du ministre français dans une salle
de la prison de Jdeida, dans la banlieue de Tripoli.
"Psychologiquement nous n'allons pas bien du tout",
a-t-elle ajouté. Elle a indiqué que quatre seulement
d'entre elles avaient pu assister à la rencontre, la
cinquième étant malade et "à bout
de forces".
Le médecin palestinien, Ahmed Ashraf al-Hadjudj, a déclaré
de son côté : "Nous sommes innocents tout
comme les enfants contaminés". "Nous sommes
aussi des victimes".
Cardiologue de formation, M. Douste-Blazy leur a exprimé
"toute sa solidarité en tant que médecin"
et "espéré que ce cauchemar touche à
sa fin". "Je veux vous dire la solidarité de
la France", leur a-t-il dit.
Les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien,
incarcérés depuis 1999, ont été
condamnés à mort le 6 mai 2004, accusés
d'avoir inoculé le virus du sida à 426 enfants
libyens, dont 51 sont morts. La Cour suprême libyenne
vient toutefois de donner suite à un recours des six
accusés en vue d'un nouveau procès.
M. Douste-Blazy a indiqué qu'il avait proposé
aux autorités libyennes un plan français, s'inscrivant
dans les efforts de l'Union européenne pour régler
cette affaire. Il vise à permettre aux enfants libyens
le plus gravement contaminés d'être soignés
en France et à améliorer la formation du personnel
et les équipements de l'hôpital de Benghazi (nord-est)
où se sont produites les contaminations.
M. Douste-Blazy, qui avait rencontré plus tôt
à Tripoli son homologue Abderrahmane Chalgham, s'est
rendu dans l'après-midi à l'hôpital de Benghazi
pour y rencontrer les enfants atteints du sida, des familles
ainsi que le personnel médical.
"La France est décidée à tout faire
pour atténuer les souffrances, celles des familles, celles
des enfants et celles des infirmières bulgares et du
médecin palestinien", a-t-il dit devant les représentants
des familles.
Il a été accueilli par des habitants de Benghazi
portant des banderoles sur lesquelles figuraient les portraits
des enfants contaminés déjà décédés.
On pouvait lire notamment, en anglais : "Victimes du crime
du sida".
Le ministre a rencontré trois adolescents hospitalisés,
auxquels il a dit être venu "faire des propositions
en accord avec les médecins de Benghazi" pour qu'ils
bénéficient "des meilleurs soins possibles".
Les murs de l'hôpital affichaient également des
photos des enfants disparus.
M. Douste-Blazy a réaffirmé sa proposition qu'une
partie des enfants nécessitant des soins particulièrement
urgents puissent être hospitalisés en France, mais
il a précisé que "tous les enfants n'avaient
pas besoin des hôpitaux parisiens". Le but est aussi
de faire de l'hôpital de Benghazi "un hôpital
spécialisé dans le traitement de cette maladie",
a-t-il expliqué.
Au cours d'une rencontre avec des membres des familles, un
père a dit en leur nom qu'ils "appréciaient
beaucoup l'attitude de la République française",
tout en déplorant avoir été "pendant
des années seuls avec nos enfants malades".
Le ministère bulgare des Affaires étrangères
a exprimé jeudi sa gratitude pour "l'engagement
actif" de la France dans cette affaire.
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