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                Il est 13 heures, ce 19 septembre 1989, à 
                N'Djamena, capitale du Tchad. Il fait chaud. Très, très 
                chaud. Mais Urbain Banyols, 53 ans à l'époque, marié 
                à Ginette Nivet originaire de Thuir et père de 4 
                enfants, ne craint pas la chaleur. L'Afrique, il connaît 
                par coeur. Ou presque. Alors, les températures extrêmes, 
                il supporte. Ce mécanicien issu de lArmée 
                de l'air a roulé sa, bosse aux quatre coins du continent 
                : Madagascar, Gabon, Cameroun, tous les pays du Sahel avec le 
                Sahara en long et en travers
 
                Ce jour-là, Urbain Banyols accompagne son épouse, 
                fonctionnaire du Trésor, à l'aéroport de 
                N'Djaména. Elle doit embarquer sur le vol UT772 qui assure 
                la liaison entre Brazaville, au Congo, et Paris. Chaleurs. Ginette, 
                après dix mois de travail sans interruption a droit à 
                deux mois de vacances. Elle a décidé de se rendre 
                à Toulouges près de Perpignan pour passer une quinzaine 
                de jours auprès a sa maman âgée de 83 ans. 
                Mari et femme se croisent une dernière fois dans laérogare: 
                « Je me 
                souviens que nous nous étions salués derrière 
                une vitre
 Puis je suis rentré chez nous. Il y avait 
                avec moi quelques amis que j'avais invités pour prendre 
                un verre de whisky, comme ça. A 15h, nous nous sommes tous 
                séparés. Comme je ne travaillais pas l'après-midi, 
                après avoir cassé la croûte, j'ai fait une 
                sieste.  
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             Le 
              soir, je suis allé au restaurant. Vers minuit, mon fils ainé, 
              qui vivait avec nous en Afrique alors que les trois autres étaient 
              dans le sud de la France est venu me prévenir que l'avion 
              de maman n'était pas encore arrivé à Paris
 
              De suite, j'ai pensé vu l'heure que l'avion avait explosé 
              en vol. Alors qu'en France les médias annonçaient 
              qu'un avion de grande ligne avait disparu, pour moi l'affaire était 
              hélas réglée. Il ne pouvait s'agir d'un détournement, 
              car dans ce cas de figure on apprend toujours dans l'heure qui suit 
              et par la voix des pirates de l'air ce qu'il en est
 La thèse 
              de l'attentat ne m'a pas étonné, mais la cause aurait 
              pu être accidentelle dans la mesure où, personnellement, 
              dans cette région j'ai assisté à des tas dincidents, 
              du genre une porte arrière de lavion qui souvre 
              en plein vol, etc ». A ses côtés, sa fille 
              aînée, Patricia Grosjean qui vit dans le quartier Saint-Assiscle 
              à Perpignan, se rappelle également: « 
              J'ai eu ma mère au téléphone quelques minutes 
              avant qu'elle embarque. Jai eu le pressentiment que dans sa 
              tête il y avait comme une prémonition., Je sais, cela 
              peut paraître bizarre dit comme ça, mais ce jour là 
              elle m'a donné plein de détails, du genre je porte 
              tel bijou, je suis habillée comme ça, etc. Elle 
              partait comme sil fallait s'attendre à la reconnaitre 
              un peu plus tard, à l'identifier... » | 
             
               Six mois plus tard, après le drame, 
                Urbain Banyols décidait de rentrer définitivement 
                en France où il vit désormais auprès de Boulou, 
                à Passa. Treize ans plus tard, qu'en est-il de tout cela 
                ? « On le garde dans son coeur. 
                Mais. on ne passe pas sa vie à se le rabâcher. Il 
                y a eu un procès, les soi-disant auteurs de lattentat 
                ont été jugés par contumace
 Ou plutôt, 
                ils ont jugé qui ils ont voulu 
                ! Ceux que la Libye avait désigné. Jai trouvé 
                cela absurde. Une vraie pantalonade.» 
                Sa fille Patricia est encore plus sévère : 
                « Forcément, on n'est 
                pas en paix ? Chaque fois qu'on entend le mot attentat quelque 
                par, on sursaute, on le vit mal. On ne le supporte plus. C'est 
                dur d'apprendre aujourdhui que la France renoue ses relations 
                diplomatiques avec la Libye. Faut-il rappeler que les auteurs 
                de l'attentat, ceux que Kadhafi a bien voulu nous désigner, 
                ne sont toujours pas punis. Ils sont en Libye, continuent leur 
                vie, coulent des jours paisibles. Il y a eu un jugement, oui, 
                on a désigné des assassins d'accord, mais ou sont-ils 
                ? Tout cela est bien scandaleux. Nos gouvernants ont vraiment 
                la mémoire courte... Terriblement courte ! ».  
              Luc MALEPEYRE 
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