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               Le colonel libyen s'est fait un plaisir de 
                recevoir Dominique de Villepin, le 18 octobre. Et d'envoyer son 
                ministre des Affaires étrangères rencontrer Chirac, 
                trois jours plus tard. En principe, tout va pour le mieux avec 
                Kadhafi, et l'on a servi aux médias une fort convenable 
                version de ces deux entrevues. 
                La visite de Villepin à Tripoli officialisait, paraît-il, 
                la normalisation des relations franco-libyennes, et permettait 
                de réclamer une indemnisation correcte pour les familles 
                des 170 victimes d'un attentat dont les services secrets de Kadhafi 
                sont responsables. Celui qui a abouti au crash du DC 10 d'UTA 
                dans le désert du Niger, en septembre 1989. 
                Quant à Chirac, il n'aurait accueilli l'êmissaire 
                du colonel que dans l'intention de montrer son intérêt 
                pour la réunion, à Paris, de la commission mixte 
                francolibyenne, la première depuis vingt ans... Et prière 
                à chacun de croire que le Président et Villepin 
                n'ont pas évoqué, un seul instant, le rôle 
                tenu par ce brave Kadhafi dans divers conflits africains. 
                L'incorrigible et riche colonel se montre pourtant si actif qu'il 
                mérite mieux que ce silence pudique. Les services français 
                de renseignement, le Quai d'Orsay et l'Elysée le savent, 
                s'ils n'ont pas, pour l'heure, l'envie d'en parler ouvertement. 
                Au nord du Tchad, Kadhafi appuie des groupes rebelles qui aimeraient 
                renverser le président Idriss Déby, un homme peu 
                estimé à Paris, mais ceci ne justifie 
                pas cela. En République démocratique du 
                Congo (l'ex-Zaïre), notre ami libyen est en quelque sorte 
                l'associé de Jean-Pierre 
                Bemba et de son MLC (Mouvement de 
                libération du Congo), dont l'intention est 
                de chasser le jeune président Kabila de 
                Kinshasa. Ce n'est; pas gagné, mais le pays regorge de 
                tant de richesses... 
                Ironie de ces implantations militaires 
                à succursales multiples: Kadhafi se retrouve, au pays de 
                feu Bokassa, dans le même camp que la France. Depuis longtemps, 
                il a installé des troupes à demeure en Centrafrique, 
                afin d'y soutenir le président Ange-Félix Patassé. 
               
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               Et la semaine dernière, Paris a apporté, 
                en paroles, son soutien à Patassé, une fois encore 
                aux prises avec un nouveau coup d'État de son ex-chef d'état-major 
                de l'armée. 
                Cest en Côte d'Ivoire que l'ingérence de Kadhafi 
                est la plus sournoise. Le 19 septembre dernier recevant à 
                Tripoli de hauts responsables africains, il s'est gentiment payé 
                leur tête. A l'en croire, aucun coup d'État n'était 
                fomenté à Abidjan et il ne s'agissait que de mouvements 
                d'humeur de soldats inquiets pour leur avenir. 
                
                 
                L'esprit mutin du chef libyen 
                En réalité, Kadhafi utilise les conflits ethniques 
                en Côte d'Ivoire et a financé, plus ou moins directement, 
                les achats d'armes des militaires qui veulent renverser le président 
                Laurent Gbagbo et qui occupent désormais le nord du pays. 
                Le tout, armes et monnaie, passant par le Burkina voisin, avec, 
                selon les services français et les diplomates lucides, 
                l'aimable complicité du patron du pays, Blaise Campaoré. 
                Lequel a accueilli, naguère, nombre de militaires ivoiriens 
                participant à l'actuelle rébellion, mais soutient 
                que les frontières entre les deux Etats sont poreuses et 
                qu'il ny peut rien si la Côte d'Ivoire est en ébullition. 
                Des propos qui font sourire les « africains 
                » du Quai d'Orsay ou de l'Elysée: à plusieurs 
                reprises, et notamment en  
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               septembre 2001, à Paris, un proche collaborateur 
                de Campaoré, colonel de son état, accompagnait, 
                lors de ses divers contacts politiques, le fameux « IB » 
                (Ibrahim Coulibaly), l'un des chefs des mutins ivoiriens. L'actuel 
                cessez-le-feu, avec des unités françaises en « 
                force tampon », sanctionne de fait la partition d'un pays 
                instable qui a, depuis plusieurs années, vécu le 
                pire : mutineries à répétition, complots, 
                coups d'État, émeutes ethniques, tueries, etc. Puis 
                le meilleur: un président élu normalement (Gbagbo) 
                qui ne truque pas les élections législatives et 
                municipales. Et qui les perd... 
                A son passif, il n'a pas mesuré les risques ni su - ou 
                pu ?- réduire les conflits ethniques et empêcher, 
                pendant le récent coup dEtat, l'assassinat de son prédécesseur, 
                le général Gueï. Enfin, il n'est pas de la 
                « famille » des présidents africains classiques. 
                Emprisonné à quatre reprises (sous Houphouët, 
                sous Bédié et à la demande de Ouattara alors 
                Premier ministre), il se veut socialiste et surtout différent. 
                Moralité : il risque d'y avoir encore de la besogne en 
                Côte d'Ivoire et ailleurs pour la « main-d'uvre, 
                armée ». A savoir ces groupes de mercenaires ou de 
                va-nu-pieds libériens, sierra-léonais, burkinabés, 
                congolais, maliens et « apatrides » qui parcourent 
                l'Afrique à la recherche d'un emploi et de la solde qu'ils 
                méritent. Chirac et Villepin devraient peut-être 
                demander à Kadhafi de se montrer plus économe. 
                Claude Angoli 
                 
                Record battu : cinq Etats de l'Afrique francophone connaissent 
                des guerres civiles durables ou à répétition. 
                A savoir le Tchad, la Côte d'ivoire, le Congo-Brazzaville, 
                le Centrafrique et la République démocratique (sic) 
                du Congo. 
                L'ombre de Kadhafi plane sur quatre d'entre elles. Et il finance, 
                en plus, les dépenses budgétaires du Togo. Quelle 
                générosité... 
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