victimes attentat

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(Mardi 21 janvier 2003)

INTERNATIONAL

ONU L'élection obtenue grâce aux voix du tiers-monde et à l'abstention des Européens suscite la polémique
La Libye à la tête de la Commission des droits de l'homme

Laurent MOSSU, Luc de BAROCHEZ

Comble de la dérision, la Libye a été élue hier, pour un an, à la présidence la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Cet organe majeur des Nations unies n'avait pas besoin de cela pour voir son autorité morale, une nouvelle fois, battue en brèche. Le voilà discrédité. Une large majorité de ses 53 membres a désigné hier l'ambassadeur de Tripoli à Genève, Mme Najat al-Hajjaji, à une fonction qui va bien au-delà des simples questions protocolaires. C'est à elle qu'échoient l'organisation et la direction des débats de la session annuelle, appelée à passer en revue les atteintes portées aux libertés fondamentales. Le pays du colonel Kadhafi, où les violations des droits de l'homme sont légion, se retrouve en position d'arbitre.
Les États-Unis ont tenté en vain d'empêcher ce paradoxe en réclamant un vote à bulletin secret. Traditionnellement, la nomination du président s'effectue par acclamation. C'était la première fois qu'un scrutin était organisé. L'initiative n'avait pourtant aucune chance d'aboutir. Le tiers-monde était déterminé à suivre le choix du groupe africain à qui revenait, cette année, la présidence tournante. Au total, 33 voix se sont portées sur la Libye, 17 pays se sont abstenus (dont, apparemment, la France) et 3 ont voté contre (États-Unis, Canada et Guatemala).
Washington a voulu manifester sa désapprobation du choix d'un pays « connu pour les violations répétées des droits de l'homme et accusé de soutenir le terrorisme ». Les attentats téléguidés par Tripoli contre des avions américains et français, qui ont entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes dans les années 80, semblent cependant oubliés par beaucoup.
La Fédération internationale des droits de l'homme et Human Rights Watch ont également fait entendre leurs objections. Plusieurs gouvernements européens, tout aussi gênés, ont pourtant préféré se réfugier dans l'abstention. Ils ont expliqué en coulisse que la Libye souhaitait faire son retour sur la scène internationale et qu'elle serait ainsi dans l'obligation de mettre un frein à ses attitudes arbitraires. Le pari sur l'avenir est d'autant plus justifié, à leurs yeux, que la Libye souhaite l'an prochain obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle aurait donc intérêt à donner des gages.
La réaction du gouvernement de Tripoli, affirmant « que cette victoire éclatante représentait une reconnaissance mondiale historique du dossier vierge de la Libye dans le domaine des droits de l'homme», augure pourtant mal de la suite des événements. L'ambassadeur des États-Unis, Kevin Moley, regrettait qu'on ait manqué une occasion « de faire savoir que ceux qui violent les droits de l'homme ne sont pas dignes d'occuper des positions morales et politiques dans le système de l'ONU ».
Nombre de pays occidentaux ont eu peur, en affichant leur opposition, de compromettre l'an prochain l'élection de l'un d'entre eux à ce même poste. La présidence de la commission reviendra alors en effet au groupe occidental. L'élection ne pourra être acquise contre le tiers-monde.

Encadré : L'abstention de la France
La France s'est abstenue hier lors de l'élection controversée de la Libye à la tête de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Quatorze ans après l'attentat contre le vol d'UTA Brazzaville-Paris (170 morts), le vote confirme la volonté française de tourner la page. Selon le Quai d'Orsay, la décision de vote a été « prise à quinze, dans un cadre européen ». La France a aussi voulu respecter le choix des pays africains. On peut supposer cependant que le souci de ménager l'influence libyenne en Afrique fait partie des préoccupations de la France, au moment où elle s'efforce de ramener le calme en Côte d'Ivoire. L. de B.

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