victimes attentat

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(Lundi 18 août 2003)

TERRORISME La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité la levée des sanctions internationales contre la Libye
La France réclame justice pour les morts du DC 10 d'UTA

Luc de Barochez

La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU l'abrogation des sanctions contre la Libye, qui a admis sa responsabilité dans l'attentat de Lockerbie en 1988 et accepté de payer 2,7 milliards de dollars d'indemnités aux familles des 270 tués. La France a menacé d'opposer son veto à la levée des sanctions, tant que les victimes d'un autre attentat, perpétré en 1989 contre un avion français d'UTA, n'auraient pas reçu de Tripoli des compensations financières d'un montant comparable.

TERRORISME La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité la levée des sanctions internationales contre la Libye
La France réclame justice pour les morts du DC 10 d'UTA

Luc de Barochez

La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU l'abrogation des sanctions contre la Libye, qui a admis sa responsabilité dans l'attentat de Lockerbie en 1988 et accepté de payer 2,7 milliards de dollars d'indemnités aux familles des 270 tués. La France a menacé d'opposer son veto à la levée des sanctions, tant que les victimes d'un autre attentat, perpétré en 1989 contre un avion français d'UTA, n'auraient pas reçu de Tripoli des compensations financières d'un montant comparable.

Le 19 septembre 1989, l'explosion de l'appareil faisait 170 morts
Paris veut davantage pour le DC 10

C'est l'attentat le plus meurtrier qui ait jamais frappé la France. Le 19 septembre 1989, un DC 10 de la compagnie française UTA effectuant la liaison Brazzaville-Paris, via N'Djamena, explose en vol au-dessus du désert du Ténéré, au Niger. Les 170 passagers et membres d'équipage sont tués. Parmi les victimes figurent 65 Français et des ressortissants de 16 autres nationalités.

L'enquête, menée par le juge d'instruction parisien Jean-Louis Bruguière, s'oriente vers des réseaux islamiques proches de l'Iran, l'OLP, la Syrie, les milieux terroristes chiites et finalement Bernard Yanga, un opposant congolais lié à Tripoli. Celui-ci désigne le chargé d'affaires libyen à Brazzaville Abdallah Elazragh, qui lui aurait remis une valise contenant l'explosif, confiée par la suite à un passager. Selon Yanga, l'attentat était destiné à «punir la France de son attitude dans le conflit tchadien» où Paris avait contrecarré les visées de Tripoli.

En 1991, le juge Bruguière met officiellement en cause la Libye et lance quatre mandats d'arrêt internationaux contre des responsables libyens : Abdallah Senoussi, beau-frère du colonel Kadhafi et considéré comme le numéro deux des renseignements libyens, Abdallah Elazragh, Ibrahim Naeli, membre des services spéciaux, et son adjoint, Musbah Arbas.

Les autorités libyennes acceptent pour la première fois, en 1996, de coopérer avec Paris. Bruguière se rend à Tripoli et ramène une valise d'explosifs identique à celle utilisée pour l'attentat. Selon la Libye, elle aurait été saisie en 1990 chez des opposants au colonel Kadhafi.

Le magistrat français délivre alors deux nouveaux mandats d'arrêt à l'encontre d'Abdelsalam Issi Shibani, ancien responsable technique des services libyens, soupçonné d'avoir acheté en Allemagne l'un des composants du détonateur, et Abdelsalam Hammouda, membre présumé de ces services.

Dans les conclusions de son enquête, le juge Bruguière accuse formellement les services secrets libyens d'être responsables de l'attentat. Le procès peut s'ouvrir à Paris devant une cour d'assises spéciale, composée uniquement de magistrats. Les six accusés libyens sont absents. En mars 1999, ils sont condamnés par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité, la peine maximale. La même année, la Libye transfère 35 millions de dollars en France destinés aux parties civiles, notamment une partie des familles des victimes, qui touchent de 3 000 à 30 000 euros par ayant droit. Les responsables libyens affirment avoir alors reçu une lettre officielle de la France reconnaissant que ces sommes étaient pour solde de tout compte.

En règlant le dossier de l'attentat de 1988, Tripoli espère attirer les investissements internationaux
Kadhafi courtise les Etats-Unis

Luc de Barochez

Conformément à la coutume bédouine, la Libye a payé le prix du sang. Elle espère maintenant voir affluer l'argent du pétrole. La promesse de confortables indemnités aux victimes de Lockerbie (10 millions de dollars par famille) lève le principal obstacle à la levée des sanctions internationales qui frappent le pays.

Tripoli espère retrouver un peu de respectabilité sur la scène internationale. Elle escompte du même coup attirer des investissements pour faire repartir une économie languissante. Et voir revenir les compagnies pétrolières américaines pour exploiter d'impressionnantes richesses en hydrocarbures. Avec des réserves prouvées de 30 milliards de barils, la Libye a les moyens de jouer les grandes puissances pétrolières. Mais pour cela, il faudrait d'abord qu'elle réintègre la communauté des nations.

La Libye revient de loin. Bombardée en 1986 par les États-Unis pour son soutien au terrorisme, elle courtise l'Administration de George W. Bush en affirmant avoir tiré un trait sur ses activités douteuses. Muammar Kadhafi veut sortir de son rôle de paria. De Carlos à Abou Nidal en passant par l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le chef de la révolution libyenne fut le financier de toutes les subversions.

Parfois, ses services sont eux-mêmes passés à l'action. En 1986, des agents de Tripoli font sauter une discothèque berlinoise fréquentée par des militaires américains, tuant l'un d'entre eux. En représailles, le président Ronald Reagan envoie des bombardiers pilonner Tripoli, ratant Kadhafi mais tuant, selon les Libyens, l'une de ses filles adoptives. Les compagnies pétrolières américaines quittent le pays. Moins de deux ans après, une bombe fait exploser le vol Londres-New York de la PanAm, au-dessus du petit village de Lockerbie.

Depuis la fin des années 90, Muammar Kadhafi fait amende honorable. Il a livré les deux agents accusés d'avoir organisé l'attentat de Lockerbie. Il a rompu les liens avec Abou Nidal et les organisations radicales palestiniennes. En septembre 2001, il a condamné les attentats de New York et dénoncé al-Qaida.Washington n'a pas été impressionné. La Libye figure toujours, depuis 1979, sur la liste des pays accusés de soutenir le terrorisme. Les relations diplomatiques sont rompues depuis 1981. Et la Libye est soumise à des sanctions américaines depuis 1986, avec un strict embargo commercial. L'accord sur Lockerbie a cependant relancé le débat aux États-Unis sur une levée des sanctions unilatérales contre la Libye. Les compagnies pétrolières plaident pour leur abrogation. Mais au moment où l'Administration Bush fait campagne contre le terrorisme, la décision est délicate. Dans un communiqué publié vendredi, la Maison-Blanche a indiqué qu'il n'en était pas question pour le moment. Elle a évoqué le non-respect des droits de l'homme en Libye, l'absence de démocratie, les entreprises de déstabilisation menées par Kadhafi en Afrique et «ses tentatives inquiétantes de se procurer des armes de destruction massive».

L'accord d'indemnisation prévoit que si les États-Unis s'abstenaient, dans un délai de huit mois, de lever leurs sanctions et de rayer la Libye de leur liste des pays terroristes, Tripoli réduirait de moitié les compensations versées aux familles des victimes de Lockerbie. Un tel délai laisse le temps à Washington et Tripoli de poursuivre leur rapprochement. «Nous voulons oeuvrer avec les Américains dans le sens d'une amélioration des relations bilatérales», a déclaré ce week-end sur CNN le chef de la diplomatie libyenne, Mohamed Abdel Rahmane Chalgham. Pour faciliter les choses, la Libye envisagerait même, selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, d'indemniser les familles des victimes de l'attentat perpétré en 1986 à Berlin. Pour se concilier les bonnes grâces de Washington, Kadhafi semble prêt à tout.

La procédure de levée des sanctions

(Avec AFP.)


Le décor du dernier acte de la tragédie de Lockerbie se met en place aujourd'hui à l'ONU, avec le dépôt au Conseil de sécurité d'un projet de résolution britannique levant les sanctions contre la Libye. Le rideau cependant ne tombera qu'après le vote de cette résolution.

Traditionnellement, un délai minimum de 24 heures doit intervenir entre le dépôt d'un projet et sa mise au vote mais, si les auteurs du texte l'acceptent, il peut être étendu, sans limitation de durée, pour laisser la possibilité de régler d'éventuels points de désaccord.

Pour être adoptée, une résolution doit être approuvée par au moins neuf des quinze membres du Conseil de sécurité et ne faire l'objet d'aucun vote contre (veto) de l'un des cinq membres permanents du Conseil (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie).

Le Conseil de sécurité avait, le 31 mars 1992, imposé des sanctions contre la Libye pour la contraindre à livrer deux personnes accusées d'avoir fait exploser en vol, en décembre 1988, un avion de ligne américain au-dessus de Lockerbie en Ecosse. Le Conseil a décrété un embargo aérien, un embargo sur les armes et une réduction du personnel diplomatique libyen à l'étranger. Les sanctions ont été renforcées en 1993 par un gel des avoirs financiers libyens à l'étranger et des restrictions à l'importation d'équipements pétroliers. Les sanctions ont été suspendues après la livraison par la Libye des deux suspects, en avril 1999.

Les dates clés

* 21 décembre 1988 : Un Boeing 747 de la PanAm explose au-dessus du village de Lockerbie, tuant 270 personnes.

* 13-14 novembre 1991 : Deux agents des services de renseignements libyens, Abdel Basset Ali al-Megrahi et Amine Khalifa Fhima, sont inculpés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

* 21 janvier 1992 : La résolution 731 de l'ONU condamne la destruction en vol du Boeing de la PanAm et d'un DC-10 d'UTA (19 septembre 1989, 170 morts) et demande à la Libye de collaborer aux enquêtes internationales.

* 31 mars 1992 : La résolution 748 de l'ONU impose un embargo aérien et militaire à la Libye.

* 1er décembre 1993 : Nouvelles sanctions de l'ONU.

* 18 septembre 1998 : Au terme d'un accord signé à La Haye par les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, le procès se déroule devant une cour écossaise, en terrain neutre, au Camp Zeist, ancienne base militaire aux Pays-Bas.

* 5 avril 1999 : Les deux suspects libyens sont remis aux autorités de l'ONU, à Tripoli, avant leur départ pour les Pays-Bas. Les sanctions contre la Libye sont suspendues immédiatement.

* 3 mai 2000 : Onze ans après l'attentat, le procès s'ouvre.

* 31 janvier 2001 : La cour écossaise rend un verdict partagé, condamnant à la prison à vie Abdel Basset Ali al-Megrahi qui fait appel du jugement, et acquittant Amine Khalifa Fhimah.

* 29 mai 2002 : Un avocat des familles des victimes annonce que la Libye a proposé de verser 2,7 milliards de dollars (2,9 milliards d'euros) de compensations. Tripoli reconnaît l'existence de des contacts informels.

* 29 avril 2003 : La Libye annonce un dédommagement rapide des familles des victimes qui sera effectué en trois étapes.

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