victimes attentat

(Mardi 19 août 2003 7h31)

Lockerbie: le projet britannique menacé d'un veto français à l'Onu

NEW YORK (AFP) - La Grande-Bretagne a formellement déposé lundi devant le Conseil de sécurité des Nations Unies un projet de résolution, auquel la France menace de mettre son veto, qui lève les sanctions imposées à la Libye après l'attentat de Lockerbie.

La Grande-Bretagne a annoncé espérer un vote cette semaine mais, a indiqué l'ambassadeur britannique à l'Onu Emyr James Parry lundi, cela dépendra du Conseil de sécurité. Le projet de résolution "lève avec effet immédiat" les sanctions imposées par l'Onu en 1992 à la Libye à la suite de l'attentat de Lockerbie.

Le second paragraphe dissout la commission mise en place pour surveiller la mise en oeuvre de ces sanctions (suspendues en 1999) et le troisième supprime officiellement le sujet des travaux du Conseil.

En contrepartie, la Libye assume la responsabilité de l'explosion le 21 décembre 1988 au dessus de Lockerbie (Ecosse) d'un Boeing 747 de la Pan Am qui a coûté la vie à 270 personnes et s'engage à verser à leurs familles 2,7 milliards de dollars.Tripoli s'engage également à coopérer à la lutte que mène la communauté internationale contre le terrorisme auquel elle affirme avoir renoncé.

Pour être adoptée, cette résolution doit recueillir au moins neuf voix sur les 15 du Conseil de sécurité et aucun pays membre permanent (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) ne doit voter opposer de veto.

La France a fait officiellement savoir qu'elle s'opposerait à la levée définitive des sanctions de l'Onu tant que les familles des victimes d'un attentat libyen contre un appareil français n'auront pas obtenu des compensations d'un montant comparable.

Les 170 victimes de l'attentat en 1989 au dessus du Sahara dans l'explosion d'un DC-10 de l'UTA appartenaient à 16 nationalités différentes (Français, Congolais, Tchadiens, Américains, Britanniques, Canadiens etc..).

Le montant de 35 millions de dollars que la justice française a condamné la Libye à verser a été jugé "insultant" par certaines de ces familles qui ont refusé de les toucher.

Les familles des victimes de nationalité américaine ont, pour leur part, engagé à l'automne l'année dernière devant la justice des Etats-Unis des poursuites contre la Libye.

Après avoir qualifié la position de Paris de chantage, le ministre des affaires étrangères libyen, Abdel Rahman Chalgham, a expliqué que la Libye avait acheté la levée des sanctions. "Du point de vue libyen, il ne s'agit pas de compensations mais d'un achat de la levée des sanctions", a-t-il déclaré à chaîne satellitaire qatariote Al-Jazira commentant l'accord intervenu avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
"A cause des sanctions internationales et américaines, a-t-il ajouté, nous perdons chaque année des milliards de dollars et c'est faire preuve de sagesse et de courage et servir notre intérêt national que de payer la somme de 2,7 milliards de dollars et de refermer ce dossier."

La levée des sanctions ne fait l'unanimité ni au sein des familles des victimes, ni parmi les opposants au régime libyen, qui estiment que le colonel Mouammar Kadhafi ne mérite pas d'être récompensé.
Les positions des 15 membres du Conseil de sécurité sont également nuancées et, selon plusieurs diplomates, même sans veto français, l'adoption du projet britannique ne peut pas être considérée comme acquise.


Ainsi, les Etats-Unis, pourtant parties prenantes à l'accord sur Lockerbie, ont indiqué "ne pas s'opposer à la levée des sanctions" mais se refusaient encore lundi à indiquer s'ils voteraient pour ou s'abstiendraient lorsque le projet sera mis aux voix.

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