victimes attentat

(Mercredi 1er septembre 2003)

Accord sur l’indemnisation des victimes du vol d’UTA


Il n’existe désormais plus d’obstacles à la levée des sanctions onusiennes, certes suspendues depuis 1999, mais qui frappent la Libye depuis 1992, date à laquelle l’implication de Tripoli dans les deux attentats de Lockerbie de 1988 et du DC-10 d’UTA de 1989 a été officiellement reconnue. La Fondation Kadhafi a en effet conclu un accord avec les représentants des victimes de l’attentat qui a visé l’avion français pour une revalorisation des indemnités qui seront reversées aux familles. La France avait en effet menacé d’utiliser son veto à la levée des sanctions contre Tripoli si la Libye refusait d’accorder aux familles des passagers de ce vol français des compensations «équitables». L’accord conclu ouvre ainsi la voie à un vote au Conseil de sécurité qui pourrait intervenir dès mercredi.


Même si jusqu’à présent les termes de l’accord entre la fondation Kadhafi et les familles des victimes de l’attentat contre le DC-10 d’UTA ne sont pas encore connus, il ne faisait déjà plus aucun doute dimanche soir que cet épineux dossier avait enfin trouvé son épilogue. Le chef de la révolution libyenne a en effet consacré une large partie de son discours fleuve, prononcé à l’occasion de l’anniversaire du coup d’état qui l’a porté au pouvoir il y a 34 ans, pour annoncer qu’un accord était bien intervenu et que la Libye allait ouvrir «une nouvelle page dans ses relations avec l’Occident». Le président Kadhafi a ainsi indiqué que Jacques Chirac lui avait téléphoné dimanche et qu’ils avaient convenu de «parvenir une formule par le biais de la fondation Kadhafi». «Nous pouvons dire que les affaires UTA et Lockerbie sont derrière nous», a-t-il déclaré.

Quelques heures plus tard, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, confirmait lundi matin sur RFI que «les bases d’un accord» avaient bien été trouvées. «Il reste à finaliser cet accord, ce qui va être fait dans les prochaines heures», a-t-il déclaré en précisant bien que l’indemnisation des familles prenait en compte les proches des 170 passagers et pas seulement les familles des victimes françaises. Le 19 septembre 1989, un DC-10 français d’UTA, effectuant la liaison Brazzaville-Paris via N’Djamena, avait explosé en vol et s’était écrasé dans le désert du Ténéré, au Niger. Sur les 170 passagers et membres d’équipage, 54 étaient Français. Mais des ressortissants d’autres pays, comme le Congo ou le Tchad, avaient également péri.

La fondation caritative Kadhafi, qui a négocié l’accord avec les représentants des familles des victimes, est présidé par le fils du guide de la révolution libyenne, Seif al-Islam. Dans un communiqué publié dimanche, elle assurait qu’«une formule de compromis satisfaisante pour toutes les parties» avait été trouvée. Précisant que la fondation n’avait «aucun lien avec l’Etat libyen», le texte soulignait également que l’accord est intervenu «avec les seules familles des victimes de l’avion français» et qu’il est «sans relation avec ce qui va se passer à l’ONU au sujet de la levée des sanctions».

La fondation lève toutefois le voile sur le volet, quoiqu’elle dise, politique de ces négociations puisqu’elle affirme que la formule trouvée va «également aider à trouver un règlement à l’affaire des citoyens libyens condamnés par contumace en France» pour leur implication dans l’attentat contre le vol DC-10 d’UTA. Après l’enquête du juge antiterroriste Jean-louis Bruguière, qui avait conclu à la responsabilité des services secrets libyens dans cet attentat, la cour d’assises de Paris avait condamné par contumace six Libyens, dont le beau-frère du président Kadhafi, à la prison à vie. Tripoli avait également été condamné à versé 35 millions de dollars aux familles des victimes.

Vers un vote au Conseil de sécurité

Les représentants des familles des victimes, qui se sont rendus samedi dans la capitale libyenne pour ce dernier round de négociations, se sont déclarés satisfaits des résultats obtenus même si aucun accord n’a été signé sur place. «Le principe d’une indemnisation équitable et satisfaisante est acquis», avait annoncé dès dimanche soir l’un des avocats des familles. Se basant sur les indemnités accordées aux proches des victimes de l’accident du Concorde près de Paris en 2000, les familles réclameraient 120 millions de dollars. Une somme bien en de-ça de celle obtenue par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis qui ont réussi à négocier une compensation de 2,7 milliards de dollars pour les familles des 270 passagers du vol de la PanAm qui s’est écrasé sur le village de Lockerbie en 1988. Mais pour l’un des représentants des proches des victimes du vol français, «voir qu’à travers la fondation Kadhafi il puisse y avoir une forme de reconnaissance de la douleur des familles est quelque chose qui peut amener à faire le deuil et à accepter de passer à autre chose».

Car si la Libye a officiellement reconnu son implication dans l’attentat de Lockerbie dans une lettre au Conseil de sécurité, elle refuse catégoriquement d’avouer sa responsabilité dans celui qui a frappé l’avion français. Pour les autorités libyennes, ce dernier dossier est définitivement clos et si la fondation Kadhafi a accepté de revaloriser les indemnités des familles, ce n’est officiellement que pour «des raisons humanitaires». Quoiqu’il en soit, l’accord obtenu devrait ouvrir la voie à la levée des sanctions internationales imposées à la Libye depuis 1992. Elles avaient certes été suspendues le 5 avril 1999 lorsque Tripoli avait livré deux ressortissants libyens soupçonnés d’avoir organisé l’attentat pour être jugés par en Ecosse. Mais la Libye n’était pas à l’abri de la réactivation de ces sanctions. Le président Kadhafi a d’ailleurs expliqué que «la suspension des sanctions est comme la prison avec sursis puisque ces dernières peuvent être rétablies à tout moment».

Dès l’annonce de la conclusion très prochaine d’un accord entre la Libye et les familles des victimes de l’attentat du vol d’UTA, la Grande-Bretagne a déclaré qu’elle espérait soumettre une résolution «cette semaine» au vote du Conseil de sécurité pour une levée des sanctions contre l’Etat libyen. Outre un embargo aérien et terrestre, Tripoli se voyait interdit d’achat de certains équipements pétroliers. Ces sanctions auraient déjà coûté à la Libye quelque 33 milliards de dollars.

Mounia DAOUDI
Article publié le 01/09/2003

Retour au menu presse