victimes attentat

(Mardi 20 avril 2004)

Dégel pétrolier


Jacques Chirac ne s’est pas avancé à fixer une date, mais il a répondu favorablement à l’invitation à Tripoli lancée par le fils de son homologue libyen le 8 mars dernier. En visite à Paris, après son ministre des Affaires étrangères en mars dernier, le Premier ministre libyen, Choukri Ghanem, a déclaré lundi, à l’issue de son entretien d’une heure avec le chef de l’Etat français, que «le président Chirac nous a informés qu'il allait effectuer une visite en Libye très bientôt, inch allah». En attendant, la France et la Libye ont signé des accords économiques pour aplanir le terrain des entreprises pétrolières ou aéronautiques qui se pressent au portillon libyen depuis l’annonce d’une levée imminente des sanctions commerciales américaines.

Pour obtenir cette consécration française, après celle des Britanniques marquée par la visite du Premier ministre Tony Blair le 25 mars dernier, le turbulent colonel Kadhafi a commencé fin 2003 par s’assagir face à la démonstration en Irak du souci américain concernant les armes de destruction massive réelles ou supposées. Pour ne plus être qualifié de «voyou», le chef de l’Etat libyen s’était alors montré bon élève en mettant sur la table ses acquisitions nucléaires et surtout leur fournisseur pakistanais. Après maints marchandages, il s’est également engagé en janvier dernier à payer 170 millions de dollars aux familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 de la compagnie française UTA qui avait fait 170 morts en septembre 1989. La Libye désormais fréquentable et ses relations atlantiques dégelées, la visite du Premier ministre libyen représente selon l’Elysée «un premier pas important dans la normalisation et l'approfondissement de nos relations bilatérales». Celles-ci sont même «en plein développement», souligne la présidence française, qui ne voudrait pas rater le coche à destination d’un pays pétrolier désormais très courtisé.


La Coface remboursée

Lundi, Paris et Tripoli ont paraphé un accord de protection juridique des investissements français en Libye. Tripoli s’est en outre engagée à régler les quelque 44,4 millions d’euros d’arriérés dus à la Coface, la compagnie française d'assurance-crédit à l'export. Une convention de coopération culturelle, scientifique et technique ainsi que des accords de coopération dans les domaines touristique et universitaire ont également été signés. Au total, l’or noir a davantage coulé que l’alcool dans les cocktails parisiens de Choukri Ghanem. Le Premier ministre libyen était bien évidemment accompagné du président de la National Oil Corporation (NOC) libyenne, Abdallah el-Badri qui rencontrait d’ailleurs ce mardi les dirigeants du pétrolier français Total. Le site aéronautique d'Airbus, à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, est également à son programme, ce mercredi, avant son envol pour Tripoli où la nouvelle de la prochaine levée des sanctions économiques américaines est déjà à la Une. Un coup de pouce supplémentaire à la compétition entre les nouveaux amis de la Jamahiriya libyenne.


La course aux hydrocarbures libyens relancée

Tripoli avait déjà obtenu la levée des sanctions onusiennes en acceptant en août 2003 de verser 2,7 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros) aux ayant-droits des 270 victimes de l'attentat contre l’avion de la Pan Am qui avait explosé au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie en décembre 1988. Cette fois, Washington devrait lever les sanctions qui, depuis 1986, interdisent aux entreprises américaines tout commerce avec la Libye «J'espère que ce sera pour ce mois-ci, je ne sais pas quand, mais c'est ce qui est prévu», claironne le ministre libyen de l'Economie et du Commerce, Abdelkader el Kheir. «Cela faisait partie des négociations et de l'accord avec les Etats-Unis», ajoute le ministre libyen qui attend avec impatience une mesure qui va en particulier permettre le retour des pétroliers américains. La Libye pourrait néanmoins rester inscrite sur la liste des Etats soutenant le terrorisme jusqu’à l’élection présidentielle de novembre prochain. Paris attend aussi peut-être une ère politique intérieure plus sereine pour programmer la visite de Jacques Chirac à Tripoli.

Après neuf mois de gestation américano-libyenne en 2003, le retour de Tripoli dans le concert ordinaire des Nations s’est considérablement accéléré en 2004. La course aux hydrocarbures libyens est lancée. Délivré des sanctions américaines pesant sur certains de ses composants, Airbus peut également rêver d’un décollage imminent. Pièce importante du nouveau puzzle américain inscrit dans un «grand Moyen-Orient» stratégique, la Libye peut espérer consolider rapidement la normalisation de ses relations avec Washington. En matière de géo-politique, Paris devra se contenter d’un «dialogue politique» avec Tripoli sur les questions africaines et euro-méditerranéennes.


Monique MAS
Article publié le 20/04/2004
Dernière mise à jour le 20/04/2004 à 15:56 (heure de Paris)

Le Premier ministre libyen, M. Choukri Ghanem effectue une visite officielle en France du 19 au 21 avril.
(Photo : AFP)

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