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(mardi 27 avril 2004, 13h14)

Retour européen pour Moammar Kadhafi


BRUXELLES (AP) - Première visite en Europe depuis 15 ans pour le chef de la Jamahirya libyenne. Moammar Kadhafi est arrivé en grande pompe mardi à Bruxelles, reçu officiellement par la Commission européenne et par le gouvernement belge, pour une nouvelle étape de la normalisation en accéléré entre Tripoli, il y a encore six mois paria de la communauté internationale, et le reste du monde.

Le colonel Kadhafi, vêtu de son traditionnel costume marron, coiffé d'un calot noir, est descendu d'une limousine blanche devant le siège de la Commission européenne, levant le poing en guise de salut devant une bruyante foule de supporters et de détracteurs. Avant de poser pour les photographes avec Romano Prodi, et de s'engouffrer dans le bâtiment, serré de près par deux de ses célèbres femmes gardes du corps en tenue de camouflage bleue.

Plus tard, une tente bédouine l'attendait dans le parc de Val Duchesse, résidence royale de la banlieue de Bruxelles où le gouvernement belge accueille les hauts dignitaires en visite. Le dirigeant libyen devait dîner avec le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, puis rencontrer des hommes d'affaires et des députés avant de repartir mercredi.

Cette visite historique découle de ce que l'UE a qualifié de "progrès remarquables" de Tripoli: la reconnaissance de sa responsabilité dans l'attentat contre l'avion de la Pan Am au-dessus de Lockerbie (270 morts en 1988), la renonciation à tout programme d'armes de destruction massive, l'ouverture de ses portes aux inspecteurs en nucléaire et la récente clôture, avec la France, du dossier d'indemnisation des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA au-dessus du Niger(170 morts en 1989).

Romano Prodi et Moammar Kadhafi, qui entretiennent de longue date une relation privilégiée, travaillent désormais à "la préparation du terrain pour une normalisation complète des relations" entre l'UE et Tripoli, notamment l'inclusion éventuelle de la Libye dans les programmes euro-méditerranéens.

L'Europe cherche l'aide de Tripoli sur deux dossiers: la lutte contre l'immigration clandestine et le processus de paix au Proche-Orient. De l'Europe, Tripoli souhaite, comme le souligne le ministre de l'Economie et du commerce Abdel Qader Khair, dans les colonnes du quotidien allemand des affaires "Handelsblatt", "pouvoir importer à nouveau de la technologie avancée (...) plus important pour nous que l'embargo sur les armes".

De son côté, Washington, pressé de diversifier sa dépendance pétrolière, a levé la plupart de ses sanctions commerciales pesant sur la Libye. Ce qui n'est pas le cas de l'Europe.

Car une querelle reste en suspens, le dossier de l'attentat de 1986 contre une discothèque à Berlin fréquentée par les soldats américains: trois morts et 229 blessés.

La nature même du régime, notamment son bilan en matière de droits de l'Homme, pose également problème. Les responsables de l'UE comptent aborder le cas de six travailleurs médicaux bulgares en prison à Tripoli depuis 1999, accusés d'avoir délibérement contaminé des centaines d'enfants avec le sida.

Enfin, Amnesty International, dont une équipe s'est rendue en Libye en février pour la première fois depuis 15 ans, dresse un noir bilan: Tripoli suit toujours un "schéma de constantes violations des droits de l'Homme" et entretient un "climat de peur", criminalisant toutes les libertés fondamentales, d'expression et d'association, détenant les dissidents au secret, avant de les juger lors de "procès inéquitables". "La torture et les mauvais traitements continuent d'être largement rapportés, principalement pour obtenir des 'confessions'."

Lors de sa dernière visite en Europe, en 1989, pour un sommet des non-Alignés à Belgrade, le chef de la Révolution libyenne s'était livré à une de ces diatribes dont il a le secret, contre les juifs et le dollar américain.

AP
nc/v/tl

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