victimes attentat

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(Mercredi 24 novembre 2004)

Chirac en Libye

Isabelle Dath

Jacques Chirac part pour la Libye ce mercredi ; il y rencontrera le colonel Kadhafi pour parachever la normalisation entre les deux pays. C'est un événement !

Forcément puisque aucun président français n'a mis les pieds dans ce pays depuis son indépendance en 1951. Les rapports entre les deux pays ont de tout temps été chaotiques. N'oublions pas que ce sont les troupes françaises qui ont chassé les Libyens du Tchad. Et puis les rapports entre Jacques Chirac et Kadhafi n'ont jamais été bons. La dernière fois qu'ils se sont vus, ils se sont superbement ignorés. C'était il y a un peu moins d'un an à Tunis, lors d'une rencontre euro-méditerranéenne, ils n'ont même pas échangé un regard, deux fantômes. Il faut dire que l'affaire du DC10 n'était pas réglée.

Ce préalable dorénavant réglé, Jacques Chirac est en route pour Tripoli, bon dernier après Aznar, Blair, Berlusconi, Schröder, Prodi. Eh oui, c'est l'endroit où il faut aller. Un retour en grâce invraisemblable pour cet ancien paria planétaire, qui a compris que s'il voulait échapper à la liste de l'axe du mal, il devait passer aux aveux. Et c'est ce qu'il a fait : sa responsabilité dans les attentats du Boeing de la Pan Am, du DC10 d'UTA, de la discothèque La Belle à Berlin. Ensuite, il a racheté ses crimes avec le cynisme qu'on lui connaît : "j'achète la levée des sanctions" disait-il, sans avoir peur d'offenser les familles. Sa renonciation complète aux arsenaux nucléaires, biologiques, chimiques, a fait le reste. Après avoir incarné le terrorisme international, la Libye est redevenue fréquentable et fréquentée.

Mais ce n'est pas sans arrière-pensée?

Vous ne croyez pas que ce soit désintéressé tout de même ! D'abord il y a une forte odeur de pétrole. La Libye détient 3% des réserves mondiales, veut doubler sa production et moderniser ses installations, ce qui fait 30 milliards de dollars d'investissements d'ici à 2010. Autant dire qu'il y a du contrat dans l'air avec ce pays qui découvre la privatisation, et la concurrence se fera au couteau.

Pas question de laisser le champ libre aux Américains, quel que soit le domaine : aéronautique, téléphonie, environnement, tourisme. Pour vous montrer l'ampleur des demandes sur le tourisme par exemple, la Libye vise un million de visiteurs en 2008. Savez vous combien il existe de chambres d'hôtels aujourd'hui dans ce pays? 11.000.

Jacques Chirac part tout à l'heure à la tête d'une délégation d'une vingtaine de chefs d'entreprise et espère bien remettre la France dans la course. Les sanctions ont retardé le développement du pays, le régime est usé par l'embargo et Kadhafi n'a pas perdu son instinct de survie. Il a donc clairement fixé le cap. Démanteler l'économie administrée.

N'attendez en revanche, aucune ouverture politique, l'opacité reste totale. Après 35 ans de pouvoir, Kadhafi ne parle pas de sa succession. Il reste aux manettes. Remarquez, ni les Américains ni les Européens ne font du changement de régime leur objectif. Kadhafi est rentré dans le rang. Pour eux c'est bien suffisant.

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