victimes attentat

victimes attentat
(Jeudi 25 novembre 2004)

Les timides réformes démocratiques du guide

[24 novembre 2004]

La Libye avance-t-elle vers la démocratie ? Oui, si l'on en croit Seif el-Islam, le fils aîné de la seconde femme de Muammar Kadhafi, devenu une sorte de ministre des Affaires étrangères bis. «Le peuple libyen veut moderniser son économie, ils veulent réformer leur système, ils veulent approfondir la démocratie directe. Bientôt, en Libye, tout sera démocratique de A à Z. C'est le souhait de mon père. C'est le souhait du peuple», a récemment déclaré Seif el-Islam à la BBC. La «nouvelle Libye», soucieuse de communication depuis son retour sur la scène internationale, n'a pourtant pas l'intention de changer de système. Muammar Kadhafi, qui emploie beaucoup en ce moment le mot «idéologie», entend perpétuer la Jamahiriyya, l'«État des masses» qui pour lui représente l'aboutissement de la démocratie, puisque c'est le peuple qui est censé gouverner sous sa houlette bienveillante de guide sans autre titre officiel.

A bien écouter «Seif», il s'agit surtout d'améliorer ce système. Lors de son passage à Paris au début de l'année, le jeune homme, âgé de 32 ans avait bien précisé au Figaro qu'il s'agissait de donner un deuxième souffle à la Jamahiriyya, et surtout pas d'introduire le multipartisme à l'occidentale, considéré en Libye comme une régression.

Muammar Kadhafi lui-même a mis les points sur les i, en octobre, lors d'une visioconférence avec un parterre d'intellectuels africains réunis à Dakar. «Il faut arrêter de parler de multipartisme, a lancé le guide aux participants. Un seul parti, ça suffit !»

Le régime libyen s'est contenté d'instituer les chaabiyat, des assemblées régionales dont les membres sont élus, selon le pouvoir. En fait, les chaabiyat sont désignées par les comités populaires de base, un des piliers du système libyen. Souvent, il est vrai, à la suite de débats passionnés.

Les réformes annoncées sont surtout d'ordre social et économique.

En octobre, pour la première fois, Seif el-Islam a exposé son plan de réforme de l'économie socialiste libyenne. Le fils du guide reprenait à son compte, pour la première fois, le discours du premier ministre libéral Choukri Ghanem, nommé en 2003 pour tenter de sortir la Libye d'un socialisme à bout de souffle. Plus de trois cent cinquante sociétés d'État doivent être privatisées, à condition de trouver des acquéreurs. Quant à l'entreprise privée, elle reste encore un espoir pour les aspirants petits patrons, toujours obligés de tracer leur chemin à travers les intermédiaires et les recommandations personnelles.

L'implication personnelle de Seif el-Islam, héritier en pointillé, montre que Muammar Kadhafi est au moins disposé à ne pas entraver les efforts de son premier ministre. Ce dernier a annoncé le mois dernier la prochaine suppression des subventions aux produits de base, essence, électricité, farine, ou huile, pour une valeur de 5 milliards de dollars. L'essence, quasiment gratuite à 0, 06 € le litre, ne devrait cependant que doubler. En échange, le salaire mensuel minimal, actuellement de 91 €, devrait lui aussi être multiplié par deux. Choukri Ghanem espère que les quelque 5 millions de Libyens gagneront dans le futur «autant que les citoyens des autres pays producteurs de pétrole». Un comité d'application doit s'assurer que cet avenir deviendra réalité. «Tout le monde doit participer au développement», a déclaré Choukri Ghanem au Financial Times. La réussite ou l'échec du premier ministre fourniront le test de la réelle volonté du guide de voir se réaliser le «capitalisme populaire» que Choukri Ghanem appelle de ses voeux. Mais «l'État des masses», sous-tendu par un subtil équilibre tribal, semble avoir encore de beaux jours devant lui.

Retour au menu presse 2004