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(Jeudi 25 novembre 2004, 13h18)

Chirac répond à la "main tendue" de Kadhafi

Par Gérard Bon

TRIPOLI (Reuters) - Jacques Chirac a salué à Tripoli les efforts de la Libye pour retrouver "toute sa place" sur la scène mondiale, au terme d'une visite destinée à sceller les "retrouvailles" franco-libyennes.

"Toutes les conditions sont réunies pour ouvrir un nouveau chapitre des relations entre la Libye et la France", a déclaré le président français lors d'une conférence de presse.

Il a souligné avoir voulu par sa visite, la première d'un chef d'Etat français en Libye depuis l'indépendance en 1951, manifester que "la France reconnaissait les changements fondamentaux qui ont été opérés en Libye depuis maintenant deux ans en faisant les gestes nécessaires pour tourner la page d'un passé qui a laissé un souvenir douloureux".

"La Libye a fait le choix de la responsabilité, de la réconciliation, de la main tendue", a-t-il ajouté.

Depuis la levée des sanctions internationales il y a quinze mois et celle, très récente, de l'embargo européen, la Libye est à nouveau très courtisée pour sa manne pétrolière, notamment par les Etats-Unis et des pays de l'Union européenne.

Jacques Chirac, qui était arrivé à Tripoli mercredi en milieu d'après-midi, en est reparti jeudi à la mi-journée pour se rendre au Xe sommet de la Francophonie à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Le but de sa visite était de renouer avec "un grand pays maghrébin, méditerranéen et africain" après des années de "fortes turbulences".

Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avait cependant jeté un froid le jour même de l'arrivée du président Chirac en critiquant l'intervention militaire française en Côte d'Ivoire. "Je n'ai pas encore compris la raison de la présence militaire de la France en Afrique", a-t-il dit au Figaro.

A Paris comme à Tripoli, les officiels français se sont efforcés de minimiser la charge du dirigeant libyen. "Nous avons la même analyse, sur cette crise (de Côte d'Ivoire) en particulier, avec le colonel Kadhafi", a souligné Jacques Chirac.

Autre léger trouble, Mouammar Kadhafi a fait visiter au président français le bâtiment bombardé par les Américains en 1986 au coeur de sa résidence officielle. Cette visite a provoqué un retard d'une vingtaine de minutes pour la délégation française, qui a paru prise au dépourvu.

PARTENARIAT ET COOPERATION

Là encore, Jacques Chirac a calmé le jeu: "C'est une tradition, tous les hôtes officiels sont conduits à cet endroit, j'ai fait comme tout le monde", a-t-il expliqué.

Paris considère que Tripoli a répondu à tous les préalables à une normalisation, notamment en respectant l'accord d'indemnisation des familles des 170 victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989.

Mouammar Kadhafi a exprimé à Jacques Chirac "sa reconnaissance à la France pour ce qu'elle avait fait à propos de l'Irak et pour avoir accueilli Yasser Arafat à Paris".

Le chef de l'Etat français a offert pour sa part au dirigeant libyen une édition originale de "L'esprit des lois" de Montesquieu et a reçu en échange la Grand-Croix de la Révolution libyenne.

Il proposé au dirigeant libyen de sceller le rapprochement des deux pays dans plusieurs directions, notamment en organisant un "partenariat politique" et en développant la coopération économique.

Mouammar Kadhafi a indiqué que la Libye, qui a renoncé aux armes de destruction massive, souhaitait en contrepartie que des transferts de technologie lui permettent de "développer des industries civiles à usage pacifique". Jacques Chirac lui a répondu qu'une coopération dans ce domaine était possible si Tripoli respectait "les règles internationales en vigueur".

Prié par des journalistes de dire si cette coopération incluait le nucléaire civil, Jacques Chirac a répondu: "Vous évoquez le nucléaire civil, ce qui peut-être naturellement une ambition de la Libye, mais qui n'est pas d'actualité aujourd'hui. Le problème n'est pas d'actualité".

Pour appuyer les ambitions économiques françaises, Jacques Chirac était accompagné d'une quinzaine de dirigeants d'entreprise, dont celui de Total, Thierry Desmarest.

Partenaire modeste de la France, le pays a besoin de gros investissements pour ses infrastructures. Paris espère développer la présence de ses entreprises dans les secteurs stratégiques de l'énergie, des infrastructures, des télécommunications et des transports.

L'embargo européen n'ayant été levé que le 12 octobre, les industriels français ont surtout profité du voyage libyen pour "préparer le terrain" et se placer sur les appels d'offre.

Cinq accords techniques ou de coopération ont été signés, notamment par Vinci, sur un projet de rivière artificielle, et par EADS à propos d'aéronautique. Thales est pour sa part en négociation pour la couverture radar nationale de la Libye. "C'est un marché prometteur, il faut faire le maximum pour le soutenir", a dit Jacques Chirac lors d'une table ronde jeudi matin avec les entrepreneurs français.

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