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(Vendredi 26 novembre 2004)

Chirac repart de Libye réconcilié mais sans enthousiasme

Pas de déclaration commune sur les entretiens avec Kadhafi ni d'accords concrets pour les entreprises françaises.

Par Véronique SOULE
vendredi 26 novembre 2004

Tripoli envoyée spéciale

Muammar Kadhafi, selon Jacques Chirac, est un fan de Montesquieu dont il aurait lu toutes les oeuvres. Aussi, lorsque le président français a trouvé l'Esprit des lois dans une «jolie édition» originale, «il a sauté sur l'occasion» pour le lui offrir à l'occasion de sa visite officielle, la première d'un chef de l'Etat français depuis l'indépendance en 1951. En échange, le Guide de la révolution l'a décoré de l'insigne de Grand Croix de l'ordre national du Bien. La réconciliation entre les deux pays a ainsi été scellée de façon très symbolique, et Chirac, après un séjour d'à peine vingt-quatre heures, a pu repartir la conscience tranquille hier midi pour Ouagadougou, la capitale burkinabé, pour assister au dixième sommet de la Francophonie.

Lors de sa conférence de presse finale, le Président est resté d'un enthousiasme mesuré pour commenter le «nouveau chapitre» qui s'ouvre avec Tripoli, après vingt ans de relation tumultueuse, notamment autour du conflit tchadien et des activités terroristes de Kadhafi. Interrogé sur la visite, aux côtés du colonel, de sa résidence bombardée par les Américains en 1986 et devenue musée en témoignage des méfaits de l'impérialisme, il a souligné que c'était une «tradition» : «Tous les hôtes officiels y sont conduits. Alors, j'ai fait comme tout le monde.» De même, sur le fond des discussions, le chef de l'Etat a évité d'en rajouter sur les points d'accord.

Alors que le jour de l'arrivée de Chirac Kadhafi expliquait qu'il ne comprenait pas ce que faisaient les troupes françaises en Afrique et qu'il condamnait l'intervention en Côte-d'Ivoire, les deux pays ont désormais «des approches convergentes sur les crises en Afrique, notamment en Côte-d'Ivoire et au Darfour», a assuré le Président. Aucune déclaration commune n'est toutefois ressortie des entretiens, preuve que l'entente est minimale. Chirac n'a pas non plus réussi à convaincre son interlocuteur d'adhérer au processus de Barcelone, un forum européen qui réunit pays du Maghreb et du Proche-Orient. La Libye est observateur et, en raison notamment de la présence d'Israël, refuse de présenter sa candidature. Interrogé sur l'impatience de Kadhafi de voir ses efforts récompensés, en particulier sa décision d'abandonner ses programmes d'armes de destruction massive, Chirac a sobrement célébré le rôle «modérateur» de la Libye, «grand pays maghrébin, méditerranéen et africain». Sans plus de précision.

Sur le plan économique, à défaut d'accord concret, la visite aura au moins ouvert des horizons aux grandes entreprises françaises, dont seize étaient représentées dans la délégation. Des lettres d'intention, marquant la volonté des deux parties de déboucher, ont été signées dans plusieurs domaines, comme la fourniture de radars pour le contrôle aérien civil, la vente d'Airbus et la participation au grand projet d'irrigation du Nord, appelé Rivière artificielle. Mais la France arrive bien tard, après les visites des chefs de gouvernement italien, espagnol, britannique et allemand. «Le monde se presse dans ce pays pétrolier. Dans les télécoms où nous étions bien placés, des Chinois pourraient rafler la mise», s'inquiétait l'un d'eux.

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